Dans un rapport présenté jeudi lors d’une manifestation organisée en marge de la XXième session du Conseil des droits de l’homme à Genève, les deux organisations estiment que des crimes contre l’humanité ont été commis par l’armée colombienne et que si des poursuites ont été initiées au niveau national, elles ne ciblent pas les plus hauts responsables. La Colombie est membre de la Cour depuis novembre 2002. En 2006, le procureur avait annoncé qu’il conduisait une « analyse », étape préalable à l’ouverture d’une enquête.
Le scandale des « faux positifs » avait notamment été révélé en 2008. Dans le cadre de la « politique de sécurité démocratique », mise en place par le président Alvaro Uribe lors de son accession au pouvoir en 2002, l’armée était tenue de montrer des résultats positifs dans sa bataille contre les groupes armés. « A cette époque, la guerre se mesurait en litres de sang, avait raconté le colonel Ramirez au cours d’un procès en Colombie. Un commandant qui n’avait pas de résultats en nombre de morts par mois était sanctionné en conséquence et cela apparaissait dans son dossier militaire », avait-il expliqué.
Le système a conduit « à de terribles abus qui ont conduit à la mort de plus de 3000 civils innocents, présentés comme ayant été tués au combat », écrivent les deux organisations. Les sites d’exécutions étaient transformés en champ de bataille, les civils, souvent de jeunes hommes sans emplois ou sans familles, déguisés en combattants.
« L’expansion du phénomène à travers toute la Colombie et l’identification d’un mode complexe de crime organisé nous amène à conclure que ces actes ont été pris en charge par les hauts commandants de l’armée », promus après avoir « servi dans les unités militaires qui ont mené ces exécutions extrajudiciaires ».
Si les défenseurs des droits de l’homme reconnaissent que des procédures sont en cours, ils notent que deux juges ont été assassinés, que des témoins sont payés pour modifier leurs dépositions et que des manœuvres dilatoires sont mises en œuvre pour anéantir les poursuites. Des poursuites qui, par ailleurs, ne traitent pas des crimes dans leur globalité, commis dans le cadre d’une organisation.
La FIDH et la CCEE ont aussi remis une liste confidentielle de suspects potentiels à la procureure de la CPI. Dans leur rapport, elles citent nommément les généraux Mario Montoya et Oscar Gonzalez Pena, promus commandants des forces armées en 2006 pour le premier et en 2010 pour le second. Le général Montoya a depuis démissionné de son poste et été nommé ambassadeur en République Dominicaine.
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