Extradé du Canada en janvier, ce linguiste de formation est poursuivi pour incitation directe et publique à commettre le génocide des Tutsis à travers un discours en langue rwandaise prononcé en novembre 1992 lors d’un rassemblement politique.
« Le jugement du Tribunal de grande instance de Nyarugenge est vicieux…Je demande au juge de prononcer son annulation », a conclu l’universitaire, debout dans son nouvel habit rose de détenu, au terme d’un argumentaire qui a duré près d’une heure et demie.
Selon Mugesera, le juge aurait dû, même après avoir rejeté tous ses arguments, déclarer : « Le tribunal ordonne que l’accusé vienne se défendre contre les motifs requérant sa détention préventive». Au lieu de cela, le juge a rendu sa décision « sans que je me sois défendu de l’acte d’accusation présenté par le procureur », a expliqué M. Mugesera qui estime que le juge a de ce fait violé le principe de « audi alteram partem/écoute l’autre partie ».
Devant le juge d’instance, l’accusé avait en effet estimé ne pas être « prêt pour plaider la question de la détention préventive, alléguant l'« inégalité des armes entre l’accusation et la défense » et l’attente de la décision de la Cour suprême sur « un recours en inconstitutionnalité » contre une décision ordonnant le début immédiat de son procès.
Revenant sur ces faits et appuyé par son nouvel avocat, Félix Rudakemwa, Mugesera a expliqué une nouvelle fois que « l’accusation a eu plus de trois mois pour préparer le dossier et moi seulement trois jours » et que « bien plaider la détention préventive ouvre la voie à une défense pleine et entière et a un procès juste et équitable ».
Représentée par M. Jean Bosco Mutangana, l’accusation a expliqué que, suite à plusieurs reports demandés par l’accusé lui-même, depuis sa première présentation au juge le 2 février, Mugesera a eu tout le temps nécessaire pour lire le dossier et préparer ainsi sa défense.
Le juge unique Eugène Ndagijimana rendra sa décision vendredi à onze heures.
Linguiste originaire du nord du Rwanda, Mugesera vivait au Canada depuis 1993. Il avait réussi à repousser son extradition durant plusieurs années grâce à de multiples recours judiciaires.
A l’époque du discours incriminé, Mugesera était vice-président pour la préfecture de Gisenyi (nord) du parti de l’ex-chef de l’Etat Juvénal Habyarimana dont l’assassinat dans la soirée du 6 avril 1994 avait déclenché le génocide des Tutsis.
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