20.07.12 - CIJ/HABRE – POUR LA CIJ, LE SENEGAL DOIT JUGER SANS DELAI HISSENE HABRE

La Haye, 20 juillet 2012 (FH) – La Cour internationale de Justice (CIJ) a estimé que le Sénégal avait violé et violait encore ses obligations internationales en n’engageant pas de poursuites contre Hissène Habré. Les quinze magistrats de cette Cour de l’Onu, chargée de régler les différends entre Etats, ont affirmé vendredi que le Sénégal devait  "sans autre délai, soumettre le cas Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale si elle ne l’extrade pas » vers la Belgique.

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Cet arrêt, rendu vendredi au Palais de la Paix à La Haye, marque une nouvelle étape dans cette saga judiciaire qui dure depuis 2000. A l’époque, des victimes du régime de l’ex président du Tchad, Hissène Habré, qui s’était exilé à Dakar suite à un coup d’Etat à Ndjamena en décembre 1990, avaient porté plainte devant la justice sénégalaise. Pour la CIJ, le Sénégal, partie à la Convention sur la torture depuis 1987, aurait dû immédiatement engager des poursuites contre lui.

En 2005, des victimes avaient porté plaintes en Belgique. Après enquête, Bruxelles avait émis un mandat d’arrêt contre l’ancien président tchadien pour tortures, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et adressé une demande d’extradition au Sénégal. Mais l’immobilisme de Dakar avait finalement conduit la Belgique à se tourner vers la CIJ, en septembre 2009.

Pour les quinze magistrats de la CIJ, le Sénégal n’a pas l’obligation d’extrader, mais doit en revanche respecter la Convention, « dont le but et l’objet est d’accroitre la lutte contre la torture en évitant l’impunité ». Dès la première plainte, le Sénégal aurait dû immédiatement ouvrir une enquête, et rassembler les éléments de preuves, estiment les juges. « La coopération des autorités tchadiennes aurait dû être sollicitée dans le cas d’espèce, de même que celle de tout autre Etat » concerné. Or « le Sénégal n’a déposé au dossier aucun élément démontrant » qu’une enquête a été menée, soulignent les juges.

Les juges ont aussi rejeté plusieurs arguments avancés par Dakar, qui a toujours affirmé qu’elle avait l’intention de traduire l’ex chef d’Etat devant ses tribunaux, mais que des difficultés de procédure l’empêchaient d’avancer plus rapidement. « L’obligation du Sénégal ne saurait être affectée par la décision de la Cour de la CEDEAO », qui en novembre 2010, avait jugé qu’un tribunal spécial ad hoc, à caractère international, devait être mis sur pied. La CIJ estime en outre que « les différends financiers soulevés par le Sénégal ne peuvent pas justifier qu’il n’ait pas engagé des poursuites contre Hissène Habré ». Au cours d’une table ronde, l’Union africaine, l’Union européenne et la Belgique avaient promis au Sénégal une aide de plus de 8 millions d’euros.

Lors des audiences organisées en mars 2012, devant la CIJ, les victimes espéraient que les juges ordonnent l’extradition du « Pinochet africain » vers la Belgique, estimant que le Sénégal ne jugerait jamais sur son sol Hissène Habré. Fraîchement élu, le président Macky Sall avait déclaré, dans un entretien à l’Hebdomadaire Jeune Afrique publié le 25 juin, qu’il « n’y a aucune raison valable de ne pas le juger en Afrique ».  

SM/GF