La compétence universelle de la justice française au coeur du procès d'un ex-rebelle syrien

Un étranger qui comparaît en France pour des faits commis à l'étranger sur des étrangers: c'est en vertu de sa compétence universelle que la justice française va juger un ex-rebelle salafiste syrien pour complicité de crimes de guerre commis dans son pays. De quoi s'agit-il?

- Pourquoi Majdi Nema a-t-il été arrêté en France?

Ancien porte-parole de Jaysh al-Islam (JAI), un groupe rebelle qui combattait le régime de Bachar al-Assad, Majdi Nema a été arrêté en janvier 2020 en France où il se trouvait pour un séjour d'études de trois mois.

Une arrestation rendue possible car quelques mois auparavant, en juin 2019, face à l'absence de perspective de justice en Syrie dirigée alors d'une main de fer par Bachar al-Assad, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), le Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM) et la Ligue des droits de l'Homme (LDH), avaient déposé une plainte au pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.

Les ONG accusaient des membres de JAI d'avoir notamment commis des actes de torture et des crimes contre l'humanité et crimes de guerre dans la Ghouta orientale, au nord-est de Damas.

Majdi Nema a été inculpé pour actes de torture et complicité, crimes de guerre et complicité de disparitions forcées de 2013 à 2016, et écroué.

Au terme de quatre ans de procédure, au cours desquels certaines charges ont été abandonnées par la justice, il a été renvoyé devant la cour d'assises de Paris pour complicité de crimes de guerre et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes de guerre.

- Pourquoi la justice française est-elle compétente?

Depuis une loi du 9 août 2010, les juridictions françaises sont compétentes pour juger les auteurs de crimes contre l'humanité, génocide et crimes de guerre à l'étranger, même si ceux-ci sont étrangers et que leurs victimes le sont aussi, à trois conditions: que le suspect réside habituellement en France, qu'aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise de ce dernier et que les poursuites soient engagées uniquement à l'initiative du parquet.

- Quelles difficultés?

Depuis le début, les avocats du Syrien, Raphaël Kempf et Romain Ruiz, contestent la capacité de la justice française à enquêter sur des faits commis dans un pays en proie à la guerre civile et avec lequel il n'existait plus de coopération judiciaire.

Ils estiment que les juges d'instruction n'ont de fait "pas enquêté à décharge", et leur reprochent de ne pas avoir entendu près d'une vingtaine de témoins à décharge.

Les parties civiles ont aussi été soumises à des "difficultés", observe Marc Bailly, avocat de plusieurs parties civiles, soulignant que de nombreuses personnes ont renoncé à témoigner en raison de pressions et menaces exercées par JAI en Syrie.

- La chute de Bachar al-Assad change-t-elle la donne?

Pour les avocats de Majdi Nema, le départ de Bachar al-Assad fin 2024 pose la question de la "légitimité" de la cour d'assises de Paris dans ce dossier. Cela équivaut pour eux à "déposséder le peuple syrien de sa justice".

Pour Me Bailly, "impossible" en l'état actuel de juger ces crimes en Syrie, en l'absence notamment de canal diplomatique et judiciaire avec ce pays.

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