Le procureur général du Venezuela a accusé vendredi dans un entretien à l'AFP le président du Salvador Nayib Bukele de "traite d'êtres humains" pour l'incarcération contre de l'argent des migrants vénézuéliens expulsés des Etats-Unis, tout en critiquant les Nations unies.
"C'est de la traite d'êtres humains (...) Il demande 7 millions de dollars pour emprisonner" les 252 Vénézuéliens "il fait du commerce, un sale commerce", a affirmé Tarek William Saab.
Invoquant une loi de 1798 sur les ennemis étrangers, Washington a expulsé sans jugement vers le Salvador 252 Vénézuéliens, que le gouvernement américain accuse d'appartenir au gang Tren de Aragua.
Le Salvador les a enfermés au Cecot, méga-prison de haute sécurité aménagée par le président Bukele pour les membres de gangs.
Le Salvador touchera 6 millions de dollars des Etats-Unis pour un premier groupe de 200 détenus vénézuéliens, avait annoncé la Maison Blanche.
"Le tarif serait relativement bas pour les Etats-Unis, mais significatif pour nous, ce qui rendrait tout notre système pénitentiaire durable", avait de son côté déclaré le chef de l'Etat salvadorien, sans donner la somme.
- Tyran -
Caracas, le président Nicolas Maduro en tête, réclame la "libération inconditionnelle" des Vénézuéliens estimant que leur détention et leur transfert vers le Salvador sont illégaux.
"Les Vénézuéliens qui ont été privés de liberté au Salvador résidaient aux Etats-Unis sans avoir commis auparavant aucun délit aux Etats-Unis (...) encore moins au Salvador", insiste M. Saab.
"En plus d'être un violateur en série des droits de l'homme (...) Bukele est un tyran. Il est l'inspecteur national du Transit, le directeur de la police, le chef des chaînes de télévision, des médias, du système judiciaire, du parquet", ironise le procureur, estimant que M. Bukele est "un criminel extrêmement dangereux.
"A un moment la justice internationale va agir contre Bukele dans cette affaire", ajoute-t-il.
M. Saab assure avoir pris contact avec les autorités judiciaires salvadoriennes mais ne pas recevoir de réponses.
Il souligne qu'il n'a toujours "pas reçu de liste exacte" des détenus et qu'il cite les chiffres donnés par la presse américaine.
"Le Salvador est entre les mains de Bukele. C'est un Etat raté. Là-bas, il n'y a pas de justice, la démocratie institutionnelle ne fonctionne pas. Il n'existe absolument aucun principe d'indépendance entre les pouvoirs. Si vous déposez un recours par exemple (...) là-bas c'est le silence absolu. Pourquoi ? Parce que Bukele donne l'ordre que rien ne soit fait, que rien ne soit dit", accuse M. Saab.
Caracas a aussi engagé un avocat au Salvador mais le procureur déplore que celui-ci n'a pas accès au dossier et ne peut pas représenter tous les prisonniers, faute d'avoir leur identité.
- ONU et ONG dans le viseur -
Alors que la répression des manifestations en 2017, qui a fait une centaine de morts au Venezuela, a déclenché une enquête de la Cour pénale internationale (CPI), le procureur du Venezuela a critiqué ce qu'il estime être la passivité des institutions internationales dans le cas des détenus au Salvador: "J'ai envoyé des communications à Volker Turk, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, qui est resté silencieux".
"Plus de 250 Vénézuéliens privés de liberté, disparus au Salvador, ils ne font rien. Le Comité des Experts des droits de l'homme de l'ONU. Conseil des droits de l'homme... L'ONU a également gardé un silence absolu. La Commission Interaméricaine des droits de l'homme... Rien n'est fait. Les masques tombent", estime-t-il, ajoutant qu'"au Venezuela un oiseau tombe d'une branche et ils font déjà un dossier, un scandale".
Il critique aussi les ONG de droits de l'homme qu'il accuse d'être "tièdes, très brèves, laconiques (...) Où sont les actions urgentes de toutes les ONG pour demander la liberté de ces Vénézuéliens innocents?".
De nombreuses familles de détenus assurent que leurs proches n'ont jamais appartenu à un gang, soulignant que les tatouages - un des critères utilisés par les autorités américaines pour déterminer l'appartenance au Tren de Aragua - ne signifient rien.
Ronna Risquez, auteure de "Le Tren de Aragua, la bande qui a révolutionné le crime organisé en Amérique latine", affirme que "Le Tren d'Aragua n'a pas de tatouage d'identification".
Le Procureur, qui a arbore de nombreux tatouages et notamment un drapeau vénézuélien derrière une oreille, s'insurge: "Le fait que quelqu'un puisse avoir, comme c'est arrivé à beaucoup de ces jeunes, les noms de leurs parents tatoués et qu'on dise qu'ils sont liés à une organisation criminelle (...) est ridicule"
"Aux Etats-Unis, ils devraient arrêter tout le pays parce que c'est l'un des pays avec le plus de personnes tatouées", dit-il.
"Nous continuons d'insister, à faire tout ce qu'il faut" pour obtenir la libération des détenus vénézuéliens au Salvador, conclut le procureur.