Jacques Seara n’a jamais été en opération en Centrafrique, mais il a pu, en préparant son expertise pour la défense, rencontrer des officiers congolais et centrafricains. Selon l’expert, qui reconnaît raisonner sur ce point par déduction, les objectifs du Conseil de défense mis sur pied au début de la guerre en Centrafrique, en octobre 2002, devaient être « de libérer la capitale et dans une seconde phase, de repousser les rebelles jusqu’aux frontières du Tchad puisqu’ils [les rebelles de François Bozizé] venaient du Tchad ».
Les forces de l’Armée de libération du Congo (ALC), le bras armé du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) présidé par l’accusé, avaient été appelées en renfort par le président centrafricain d’alors, Ange-Félix Patassé, pour contrer la rébellion de François Bozizé. Interrogé par maître Kilolo, l’expert a estimé qu’« à partir du moment où le président Patassé a fait appel à l’ALC pour obtenir un renfort, il appartenait à l’Etat-major de l’intégrer aux autres forces centrafricaines (…) de façon à planifier, articuler, coordonner l’action de ces différentes forces ».
L’une des thèses de Jean-Pierre Bemba est de dire qu’une fois envoyés sur le terrain en Centrafrique, ses soldats étaient placés sous le commandement de la Centrafrique, seule responsable de leurs actes. « Qui était le commandant du théâtre sur lequel les troupes du MLC ont mené des opérations entre octobre 2002 et mars 2003 ? » a interrogé maître Kilolo. « C’était le général Mazi par délégation. Puis le général Bombayaké, parce que le président Patassé en avait décidé ainsi. »
L’avocat de la défense a tenté de décrédibiliser la thèse d’un commandement parallèle. « Je n’en ai trouvé aucune trace dans les documents que j’ai exploités, a affirmé le témoin. Je ne vois pas comment plusieurs chaînes de commandements peuvent intervenir alors que les objectifs étaient clairs : rétablir l’Etat de droit et remettre le pays dans ses frontières. Il ne peut pas y avoir d’électron libre (…) Sinon, on n’est plus dans un cadre militaire mais dans un cadre de banditisme ou chacun travaille selon ses intérêts. »
Pointé à de nombreuses reprises par les témoins de l’accusation lors de la première phase du procès, le colonel Moustafa, qui émargeait à l’ALC, ne pouvait pas mener sa propre guerre, selon le témoin. « S’ils menaient leur propre guerre, dans quel but, dans quel objectif, pour quoi faire ? » s’est interrogé l’expert. « Ils ne menaient pas leur guerre à eux mais la guerre que voulait conduire la république Centrafricaine », a-t-il encore affirmé. Sa déposition se poursuit.
Le procès de Jean-Pierre Bemba a commencé en novembre 2010. Lors de la première partie du procès, le procureur a appelé 40 témoins à la barre. La défense a huit mois pour présenter ses 63 témoins, dont l’accusé lui-même.
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