La signature intervient plus de 21 ans après l’exil d’Hissène Habré au Sénégal.
"Nous nous acheminons résolument vers la tenue du procès tant attendu. Il n'y a plus d'obstacle, nous allons commencer le recrutement des magistrats", a déclaré la ministre sénégalaise de la Justice Aminata Touré après la signature de l'accord, selon l'Agence de presse sénégalaise APS.
L'accord, a indiqué la ministre, prévoit d'associer "des magistrats africains à ce procès pour lui donner une dimension africaine et exercer une justice libre, équitable et transparente. Nous sommes ensemble afin d'écrire une nouvelle page du droit international."
"Nous sommes sur le segment de parcours qui va déboucher sur la démonstration que l'Afrique peut juger l'Afrique, et cette preuve se fait au Sénégal", a renchéri le représentant de l'Union Africaine Robert Dossou, co-signataire de l'accord, selon l'AFP.
Ce nouvel accord survient après le départ fin mars 2012 de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir un an après le déclenchement en 1999 des premières poursuites contre Hissène Habré au Sénégal, par des associations de victimes tchadiennes soutenues par l'ONG américaine Human Rights Watch (HRW).
Les victimes avaient cru une première fois obtenir justice lorsqu'un juge sénégalais avait inculpé l'ancien dictateur tchadien, accusé d'avoir couvert et ordonné des assassinats politiques et des tortures alors qu'il dirigeait le Sénégal, entre 1982 et 1990. Mais les juges sénégalais s'étaient finalement déclarés incompétents en 2001.
Une seconde plainte a été déposée en 2000 par des victimes à Bruxelles, où une instruction a été ouverte et un mandat d'arrêt émis en 2005. Il court toujours, et était au centre de l'action lancée par la Belgique contre le Sénégal devant le tribunal de l'Onu basé à La Haye.
Puis l'Union africaine est entrée en lice. En 2006, elle a donné mandat au Sénégal de juger Habré "au nom de l'Afrique", avant d'entamer de longues négociations sur les modalités d'organisation de ce procès. Quatre ans plus tard, le 24 novembre 2010, les victimes ont de nouveau cru avoir atteint leur but, lorsque le Sénégal et des pays donateurs se sont mis d'accord sur un budget afin que le procès d'Habré se tienne au Sénégal.
Mais quelques semaines plus tard, manifestement sous pression des réseaux de soutien entretenus par Habré, le président Wade changeait d'avis, demandant "que l'Union africaine reprenne son dossier… sinon Hissène Habré je vais le renvoyer quelque part… je vais m'en débarrasser."
L'accord signé mercredi "constitue une étape importante dans la longue campagne pour le traduire en justice", a prudemment déclaré la coalition des ONG qui militent depuis plus de douze ans pour l'avènement de ce procès, indique un communiqué publié par Human Rights Watch.
"Nous sommes aujourd'hui plus près de la justice", ajoute Alioune Tine, président de la Raddho, une association basée à Dakar, qui déplore la mort de plusieurs survivants et témoins potentiels au procès. "Nous comptons sur le Sénégal et sur l'Union africaine pour agir rapidement dès maintenant et pour faire débuter le procès de Habré avant le décès d'autres survivants."
FP/ER/GF