La police allemande avait été avertie de la présence de Ngirabatware mais était loin de soupçonner que le beau-père de cet ancien ministre du Plan fût également présent en cet endroit. Economiste de renom, Ngirabatware, un fils du nord comme l’ex-président Juvénal Habyarimana, attend actuellement le verdict d’une chambre de première instance du TPIR. En juillet dernier, le procureur a requis la perpétuité contre lui. Insuffisance respiratoire chronique « À la vue des policiers, venus l'interpeller, Ngirabatware a une réaction étrange : il sort une clé USB de sa poche, la jette au sol et la détruit à coups de talon. Maîtrisé par les policiers, il est placé en détention », écrit Jeune Afrique. Confié à un laboratoire, le support, bien que sérieusement endommagé, livrera certains de ses secrets. Notamment «une facture d'hôpital, d'un montant d'environ 5 000 euros, au nom d'un citoyen tanzanien», poursuit l’hebdomadaire. La facture mentionne des traitements pour insuffisance respiratoire chronique.
Selon Jeune Afrique, Félicien Kabuga était entré sur le territoire allemand avec un passeport tanzanien. «Intrigués, les policiers allemands cherchent et retrouvent la trace du passeport et demandent aux autorités tanzaniennes le dossier de son titulaire. Surprise : la photo qu'ils reçoivent, et que Jeune Afrique s'est procurée est à l'évidence celle de Félicien Kabuga», poursuit l’article.
Pour l’hebdomadaire, cela « contredit les rumeurs, qui circulaient déjà à l'époque, affirmant qu'il avait subi une opération de chirurgie esthétique pour changer de visage ». Quand les enquêteurs retournent au domicile où Ngirabarware avait été arrêté, Kabuga a pris le large depuis longtemps. Aujourd’hui âgé de 77 ans, Kabuga a été inculpé par le TPIR en 1998 et un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre une année plus tard. Il est notamment accusé d'entente en vue de commettre le génocide et de génocide. En dépit de ces lourdes accusations, il continuerait, selon le TPIR,à mener l'essentiel de ses activités commerciales au Kenya où il a échappé à plusieurs opérations de police.
En 2002, les Etats-Unis ont lancé une vaste campagne médiatique au Kenya visant à la capture de l'homme d'affaires. Une récompense allant jusqu'à 5 millions de dollars a ainsi été offerte pour toute information pouvant conduire à son arrestation. Mais « le gros poisson », quoique vieux, n'a toujours pas été capturé. Sont-ce, comme le prétendent certains Rwandais, « ses puissants gri-gris » qui le protègent ou doit-il sa liberté à de hautes personnalités « achetées » par son argent ?
D'abord petit colporteur, Kabuga, originaire de Byumba (nord), est parti de rien pour finalement bâtir la plus grande fortune de son pays en son temps. Sa réussite était telle que, dans les villages du Rwanda profond, un paysan plus aisé que les autres était surnommé Kabuga.
ER/GF