29.11.12 - CPI/KADHAFI – TRIPOLI FAIT DE NOUVEAU PLIER LA COUR

La Haye, 29 novembre 2012 (FH) – Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont demandé au greffe de désigner de nouveaux avocats pour Saïf Al-Islam Kadhafi. Ils sont ainsi pliés à une requête formulée par la Libye en marge des audiences des 9 et 10 octobre, au cours desquelles Tripoli avait plaidé son droit à conduire le procès du fils Kadhafi sur son sol.

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 Plus d’un an après l’arrestation de Saïf Al-Islam Kadhafi dans le sud-ouest de la Libye où il serait toujours détenu, la décision sur le fond est toujours en délibéré, mais les juges ont, dans une décision pour le moins alambiquée rendue le 21 novembre et dont de larges parties sont confidentielles, demandé au greffe de proposer de nouveaux avocats.

Au printemps dernier, faute, pour le suspect de crimes contre l’humanité, de pouvoir désigner un avocat, les juges avaient demandé au Bureau de la défense (OPCD), un organe du greffe, de le représenter. Le 21 novembre pourtant, la même chambre a estimé « que la représentation d’un suspect par l’OPCD dans des procédures d’admissibilité est intrinsèquement problématique car il semble extrêmement difficile de dissiper les confusions » dans l’esprit du public.

La chambre ajoute que « tous les efforts doivent être déployés pour préserver la perception de neutralité de la Cour, particulièrement dans le cadre d’une exception d’irrecevabilité fondée sur la complémentarité, où la Cour doit trancher un différend entre elle-même et un Etat »

Cette décision fait suite à l’arrestation en Libye, en juin dernier, de quatre employés de la Cour dont l’une des avocates de Saïf Al-Islam Kadhafi, Melinda Taylor. Au terme d’une incroyable saga diplomatique de 26 jours, le président de la Cour avait présenté ses excuses aux autorités libyennes et ramené sur le territoire néerlandais les quatre employés. 

La chambre n’avait alors pas alerté le Conseil de sécurité de l’ONU, comme le permet la procédure, alors même que c’est New York qui a saisi la Cour des crimes commis en Libye et que la résolution contraint Tripoli à coopérer avec la Cour. Elle n’avait pas plus acté l’événement.

Un silence que lui reproche maître Xavier-Jean Keita, avocat de M. Kadhafi, qui, le 28 novembre, a demandé à la chambre de lui permettre de faire appel de la décision intimant au greffe de désigner d’autres avocats indépendants de la Cour.

« Si tromper délibérément la délégation de la CPI », qui devaient rencontrer le suspect de façon confidentielle, « en prenant les documents de la défense à la pointe du fusil, en refusant de se conformer à une demande de la CPI de rendre sans délai les fonctionnaires, en forçant les responsables de la CPI à se soumettre à des interrogatoires sur des données confidentielles et des questions privilégiées, et en informant les responsables de la CPI que ces mesures étaient des ‘représailles’ (…) ne constituent pas des mesures d’intimidation du personnel judiciaire ou un refus de coopérer avec la Cour, qu’est-ce que c’est ? » interroge maître Keita.

L’avocat ajoute que « ne rien dire face à ces violations répétées et flagrantes des droits de la défense n'est pas être impartial, c’est déroger à ses obligations ». Saïf Al-Islam Kadhafi n’a toujours pas la possibilité de rencontrer des avocats, pas plus que des membres de sa famille. Il n’aurait comparu devant aucun juge et aurait des problèmes de santé. « En gardant le silence (…) la chambre risque de créer l’apparence qu’elle est devenue complice de ces violations », affirme maître Keita.

« Rester silencieux sur le non-respect par la Libye [de ses obligations] » n’est pas être « impartial ». « Au contraire, souligne l’avocat, « cela donne l’impression très réelle que la Cour a cédé sa juridiction à la Libye ».  

Le mandat d’arrêt émis par la CPI contre le chef des renseignements militaires du régime Kadhafi, Abdullah El-Senoussi, extradé en Libye par la Mauritanie début septembre, n’a toujours pas été exécuté. Pour l’instant, les juges n’ont pas plus acté les manquements de Tripoli dans cette affaire.

SM/GF