Arrêté le 30 octobre 2011 en Libye et détenu à Zintan, dans le sud-ouest du pays, Saïf Al-Islam Kadhafi fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pour crimes contre l’humanité commis depuis février 2011 à Tripoli, Misrata et Benghazi. Le 1er mai, la Libye avait demandé à la Cour de lui laisser le soin de juger le fils du défunt Guide libyen sur son sol. Les 9 et 10 octobre, Tripoli était invité à répondre, au cours d’une audience organisée à La Haye, mais n’a semble-t-il pas convaincu les juges qu’une enquête était en cours contre M. Kadhafi. Deux mois plus tard, ils réclament des preuves.
« Les autorités libyennes (…) sont-elles vraiment conscientes » qu’elles ont « l’obligation de fournir des preuves tangibles, concrètes et pertinentes » pour démontrer que des « enquêtes appropriées sont en cours actuellement et que les préparatifs concrets du procès sont en cours ? » interrogent les juges dans leur décision.
La chambre demande à Tripoli de fournir des éléments prouvant que des ordres d’enquête ont été émis par les autorités. Dans des échanges écrits avec la Cour, la Libye avait évoqué des dépositions de témoins et des interceptions téléphoniques, précisant cependant que le contenu relevait du secret de l’instruction. Les juges demandent la preuve, notamment les éléments évoqués par Tripoli montrant que M. Kadhafi aurait payé des mercenaires.
Au cours des audiences d’octobre, Tripoli avait indiqué que les témoignages avaient été collectés par des « comités de volontaires », qui les auraient ensuite remis à différentes autorités à travers le pays. La chambre demande à pouvoir vérifier que ces dépositions ont été dûment datées, signées, et remises au procureur général de Libye. Concernant les écoutes téléphoniques impliquant le suspect, la Cour demande si elles étaient légales et si des procédures d’authentification ont été mises en place.
Les juges demandent encore à la Libye de dire si des mesures de protection de témoins sont en place; si Saïf Al-Islam Kadhafi a été entendu par un juge, et enfin si Tripoli a avancé sur la désignation d’un avocat. Elle interroge aussi la Libye sur les réformes légales en cours et les arrangements nécessaires au transfèrement de M. Kadhafi de Zintan vers Tripoli. Saïf Al-Islam Kadhafi est en effet entre les mains de la brigade de Zintan, qui depuis plus d’un an, refuse de le remettre aux autorités centrales libyennes.
Enfin, plus largement, les juges demandent à la Libye de fournir des détails sur des discussions en cours avec l’Argentine, l’Afrique du Sud et la Colombie concernant la mise en place de procédures judiciaires et d’une commission réconciliation. A plusieurs reprises, devant le Conseil de sécurité des Nations unies et devant les juges de La Haye, Tripoli a en effet indiqué qu’elle souhaitait régler en totalité et sur son sol le passif des 42 ans du régime Kadhafi.
SM/ER/GF