C’est pourtant sur la base de ce texte de 2009 que le procureur a entamé les poursuites contre l’ancien prêtre de campagne remis aux autorités rwandaises en avril 2012. Dans son article premier, la loi sur les transferts confère à la Haute Cour, la deuxième instance judiciaire après la Cour suprême, la compétence pour les affaires transférées du TPIR ou de pays tiers. Mais la défense du « révérend » Uwinkindi soutient que ce texte viole certains droits de l’accusé. Maître Gatera Gashabana, ancien bâtonnier de Kigali, a présenté ses arguments lundi devant la Cour suprême.
Evoquant une autre loi rwandaise, l’avocat affirme que la place de son client se trouve plutôt devant le tribunal de base, le plus bas de l’échelon. « Mon client considère que, compte tenu des faits pour lesquels il est poursuivi, des fonctions qu’il exerçait à l’époque, il doit être jugé par le tribunal de base, avec tous les avantages que cela comporte en matière de recours », explique Me Gashabana. « Le référer devant la Haute cour sous l’empire de la loi sur les transferts constitue une violation du principe de l’égalité devant la justice, principe consacré par la constitution de la République du Rwanda », estime l’avocat joint au téléphone à Kigali.
L’homme de loi, qui affirme qu’un procès d’Uwinkindi devant la Haute Cour constituerait une discrimination, demande donc à la Cour suprême de biffer cette disposition de la loi sur les transferts. En effet, selon la loi sur la suppression des tribunaux gacaca, un texte promulgué l’année dernière, le tribunal de base est compétent pour juger, au premier degré, des accusés de génocide qui, à l’époque du génocide, n’exerçaient pas de fonctions au niveau national ou préfectoral. Pour le plaideur, Uwinkindi rentre dans cette catégorie des « petits poissons ». De l’avis de Me Gashabana, la comparution devant le tribunal de base offre, en cas de condamnation, plus de possibilités de recours que si son procès était confié à la Haute Cour. « De plus, poursuit l’avocat, la loi supprimant les Gacaca, dispose que le client reste en liberté pendant la durée des poursuites ». Cette disposition a été incluse par le législateur pour encourager le rapatriement volontaire de certains réfugiés rwandais.
Pour sa part, le procureur a fait valoir que le pasteur a été renvoyé dans le cadre de la loi sur les transferts et a reproché à la défense de semer délibérément la confusion. A l’issue de l’audience de lundi, la Cour suprême a annoncé qu’elle rendrait sa décision le 22 février. Entre temps, l’ouverture du procès sur le fond reste suspendue. Aujourd’hui âgé de 62 ans, le pasteur, qui ne parle que le kinyarwanda, sa langue maternelle, est poursuivi pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité. Le procureur l’accuse notamment d’avoir fait massacrer des fidèles tutsis de sa paroisse de Kanzenze, dans l’est du Rwanda, en 1994. Il est présenté par l’accusation comme l’un des principaux organisateurs des massacres dans cette région. Arrêté le 30 juin 2010 en Ouganda et transféré le surlendemain au centre de détention du TPIR à Arusha, en Tanzanie, il n’a cessé depuis lors de clamer son innocence. ER © Agence Hirondelle