La plainte de l’Etat tchadien a été déposée le 25 février par le ministre de la Justice, Béchir Madet, une démarche aussitôt critiquée par les avocats des victimes qui ont demandé aux chambres africaines extraordinaires de déclarer la plainte irrecevable.
Ces chambres spéciales ont été créées au sein de la justice sénégalaise pour juger Hissène Habré, en exil à Dakar depuis décembre 1990.« Cette initiative, qui n’a pas de précédent en droit international, n’a aucune base juridique », écrit, dans une tribune libre, Reed Brody, conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch. L’ancien président tchadien a été arrêté le 30 juin 2013 à son domicile à Dakar et inculpé, deux jours plus tard, pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture. « La constitution du Tchad comme partie devant les Chambres risquerait d’écorner l’image positive dont bénéficient les Chambres au niveau international et dans l’évolution du droit pénal international », poursuit M. Brody. « Les Chambres africaines extraordinaires ont été créées pour apporter la justice aux victimes et favoriser la réconciliation au Tchad. Là est la mission des Chambres : poursuivre des individus pour des actes commis sur d’autres individus », insiste l’activiste qui milite depuis des années pour la tenue du procès Habré. Le ministre tchadien de la Justice avait expliqué, après le dépôt de la plainte, que son pays avait subi un préjudice économique énorme sous Hissène Habré. « Le Tchad ne peut pas devenir partie au procès, mais si ce pays veut continuer à coopérer avec la justice africaine, il doit, entre autres, remettre à la juridiction spéciale les trois personnes recherchées vivant encore au Tchad : Mahamat Djibrine « El Djonto », Saleh Younouss et Zakaria Berdei », estime M. Brody. Le transfèrement des trois suspects avait déjà été demandé par le Collectif des avocats des victimes d’Hissène Habré. Les juges d’instruction des Chambres ont effectué l’année dernière deux commissions rogatoires au Tchad où ils ont pu entendre des milliers de victimes et des témoins. Ils n’ont cependant pas encore pu interroger Hissène Habré qui conteste la légalité de ces chambres africaines. Convoqué en février, il a refusé d'ouvrir la bouche. Ce que l’un de ses avocats, El Hadji Diouf, a appelé « l’attitude du mépris et du silence ».ER