Victimes et organisations de défense des droits de la personne ont salué une victoire de la justice, 24 ans après la chute de l’ancien dictateur.Trois autres des 28 accusés ont été condamnés à 20 ans de réclusion par la cour, qui a par ailleurs relaxé quatre personnes et infligé des peines allant de sept à quinze ans de prison aux autres prévenus.Parmi les sept condamnés à la perpétuité, figurent l’ancien patron de la Division de la documentation et de la sécurité (DDS), Saleh Younous, ainsi que Mahamat Djibrine dit « El-Djonto », présenté par la Commission nationale d’enquête tchadienne comme l’un des «tortionnaires les plus redoutés» du Tchad de l’ère Habré.Les deux hommes étaient également visés par les Chambres africaines (CAE) basées à Dakar, mais les autorités tchadiennes avaient refusé de les transférer au Sénégal.Cinq des accusés ont été jugés par contumace, dont deux ont été condamnés à la perpétuité.Le jugement prévoit par ailleurs que les 7.000 victimes, parties civiles au procès, obtiennent réparation à hauteur de 75 milliards de francs CFA (environ 125 millions de dollars ou 114 millions d’euros). La moitié de cette somme proviendra de la vente des biens des personnes condamnées et l’autre sera payée par l’Etat tchadien, déclaré civilement responsable. La Cour criminelle spéciale de N’Djamena a également ordonné que le gouvernement édifie un monument en mémoire des victimes du régime Habré et que l’ancien siège de la DDS soit transformé en musée.Le procès s’était ouvert le 14 novembre dernier. Ces anciens responsables étaient jugés pour assassinats, tortures, séquestrations, détention arbitraire, coups et blessures et actes de barbarie.« Vingt-quatre ans après la fin de la dictature de Habré, et 14 ans après que les survivants aient déposé leur plainte, le verdict d’aujourd’hui et l’ordre de réparation sont des victoires éclatantes pour les victimes d’Hissène Habré », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch (HRW).« La condamnation des responsables de l'appareil sécuritaire de l’État pour des violations des droits de l’homme constitue non seulement un hommage à la persévérance et à la ténacité des victimes, mais aussi un événement notable dans un pays ou les atrocités restent trop souvent impunies», a –t-il ajouté.Même sentiment de satisfaction de la part des victimes. « Enfin, enfin, les hommes qui nous ont brutalisés et qui ont ri de nous pendant des décennies ont eu ce qu’ils méritaient », s’est réjoui Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes des crimes du régime de Hissène Habré (AVCRHH). Alors qu’il était dans les geôles du régime de Habré, Abaifouta a été forcé de creuser des charniers et d’enterrer de nombreux codétenus. « Le gouvernement doit maintenant mettre en application cette décision pour que les victimes obtiennent enfin réparation pour leurs souffrances et que des mesures soient prises pour que nous ne tombions pas dans l’oubli », a conclu le rescapé. Ce procès à N’Djamena se termine alors qu’à Dakar, les juges d’instruction viennent de conclure qu’il existe suffisamment de preuve pour renvoyer Hissène Habré en procès.En exil au Sénégal depuis décembre 1990, l’ancien président a été arrêté à son domicile dakarois le 30 juin 2013 et inculpé, deux jours plus tard, pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et tortures. ER/JC