Le chef de l’Etat ivoirien a annoncé dimanche que les responsables présumés des crimes commis lors de la crise postélectorale de 2010-2011 seraient jugés dans le pays, refusant tout nouveau transfert à la CPI qui détient déjà l’ancien président Laurent Gbagbo et son ancien ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé. « Nous félicitons le président Ouattara pour son engagement oral en faveur de la justice pour les victimes des crimes relatifs à la crise de 2010-2011, mais la Côte d’Ivoire demeure tenue de se plier aux règles qu'elle a elle-même approuvées lorsqu'elle est devenue un État partie à la CPI, et cela inclut de lui livrer certains individus, comme Simone Gbagbo, que la CPI a décidé de juger », a réagi mercredi Jim Wormington, chercheur sur l'Afrique de l'ouest à Human Rights Watch.Alassane Ouattara a déclaré dimanche que « les personnes responsables d’atrocités seront jugées et continueront d’être jugées (...) en Côte d’Ivoire par la justice ivoirienne, quelles que soit les opinions nationales ou internationales ».« Personne n’ira à la CPI, nous jugerons toutes les personnes ici en Côte d’Ivoire », a insisté le président ivoirien.Mais, pour Jim Wormington, l’actuelle justice ivoirienne est loin de répondre aux standards internationaux. « Pour l'avenir, le meilleur moyen pour la Côte d’Ivoire de faire avancer la cause de la justice pour les victimes et de respecter ses obligations envers la CPI découlant du Traité ( de Rome) est d'apporter au système judiciaire ivoirien l'appui dont il a besoin pour mener à bien des enquêtes rigoureuses sur les atrocités qui ont été commises et pour organiser des procès crédibles qui rendent justice aux victimes tout en respectant les droits des accusés », a estimé le chercheur de Human Rights Watch.Les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, parmi lesquelles HRW, ont critiqué le déroulement du procès à Abidjan de l'ancienne Première dame ivoirienne, Simone Gbagbo, et ses co-accusés.Dans la nuit du 10 au 11 mars, la Cour d'assises d'Abidjan a condamné l'épouse de Laurent Gbagbo à 20 ans de prison après l'avoir, à l'unanimité, reconnue coupable « d' attentat contre l'autorité de l'État, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l'ordre public » pour son rôle durant la crise postélectorale de 2010-2011. Les jurés ont été plus sévères que le procureur qui avait requis dix ans de prison. D'autres proches de Laurent Gbagbo ont écopé de peines de prison dans le même jugement. Dans cette affaire, l'ancienne première dame et ses co-accusés n'étaient pas poursuivis pour « les crimes de sang », crimes plus graves faisant l'objet d'une autre enquête, en cours. Ce premier procès avait donc valeur de test pour le nouveau système judiciaire ivoirien, dont le président Alassane Ouattara assurait, en janvier qu'il ne rendrait pas la justice des vainqueurs.Mais, pour Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau français de HRW, ce procès « n'a pas été mené conformément aux normes en vigueur en matière de procès équitable ».Pour cette raison, estime-il, Simone Gbagbo doit être jugée à La Haye pour les crimes les plus graves.La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a, pour sa part, qualifié le procès d’Abidjan de « contre-exemple » pour les procédures en cours.Pour cette organisation, les insuffisances ayant entaché le procès d'Abidjan prouvent que la Côte d'Ivoire ne saurait garantir un procès équitable à Simone Gbagbo pour les crimes internationaux et que le régime Ouattara doit la remettre sans délai aux mains de la Cour à La Haye.ER