Le Mécanisme des Nations unies pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI) a rejeté la demande de libération anticipée du doyen des condamnés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Condamné à 25 ans d'emprisonnement pour son rôle dans le génocide des Tutsis de 1994, Yussuf Munyakazi, aujourd'hui âgé de 80 ans, est détenu à Koulikoro, au Mali depuis juillet 2012, en vertu d'un « accord sur l'exécution des peines » entre Bamako et les Nations unies.
Dans sa décision en anglais datée du 22 juillet et dont la version française a été publiée mercredi sur le site internet du MTPI, le président du Mécanisme, le juge Theodor Meron, invoque notamment la gravité des crimes dont ce riche propriétaire foncier du sud-ouest du Rwanda a été reconnu coupable.
« Bien que Munyakazi réunisse toutes le conditions pour bénéficier d'une libération anticipée en vertu du droit malien, et qu'il ait montré une certaine volonté de réinsertion sociale qui milite en faveur de sa libération anticipée, les crimes graves pour lesquels il a été condamné et le fait qu'il n'a pas encore entièrement purgé les deux tiers de sa peine militent contre sa libération anticipée », conclut le président du Mécanisme.
« L'opinion selon laquelle Munyakazi ne devrait pas bénéficier d'une libération anticipée est partagée par les juges de la Chambre ayant prononcé la peine qui siègent au Mécanisme », ajoute le président du MTPI, une institution créée par l'ONU pour assurer les fonctions résiduelles de ses Tribunaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, qui doivent fermer cette année leurs portes.
Selon les textes régissant le Mécanisme, si une personne condamnée par le TPIR, le TPIY ou le MTPI peut bénéficier d'une grâce ou d'une commutation de peine selon les lois de l'Etat dans lequel elle est emprisonnée, cet Etat en avise cette structure résiduelle. Ce que le Mali a fait à travers son ministère de la Justice et des droits de l'Homme, dans le cas de Munyakazi. Mais, toujours selon le statut du MTPI, « la grâce ou la commutation de peine n'est accordée que si le président du Mécanisme en décide ainsi dans l'intérêt de la justice et sur la base des principes généraux du droit ».
Un degré élevé de gravité
Lors de l'examen des demandes de libération anticipée, le président du MTPI prend en compte différents facteurs : la gravité des crimes pour lesquels le requérant a été condamné, l'étendue de sa coopération avec le procureur, son comportement en prison et sa volonté de réinsertion sociale, l'avis des juges ayant prononcé la peine (lorsqu'il en y a qui siègent encore au Mécanisme), des raisons humanitaires(comme l'âge ou l'état de santé) , mais aussi et surtout la jurisprudence de l'institution dans le traitement de cas similaires.
S'agissant de la responsabilité pénale de Munyakazi, le juge Meron relève un « degré élevé de gravité » qui « milite contre sa libération anticipée ». Selon le jugement rendu en juillet 2010 et confirmé en septembre 2011, Yussuf Munyakazi s'est rendu coupable de génocide et d'extermination, pour avoir dirigé des attaques ayant tué 5.000 à 6.000 civils tutsis les 29 et 30 avril 1994 aux églises paroissiales de Shangi et Mibilizi dans l'ancien préfecture de Cyangugu.
Par ailleurs, selon la jurisprudence du Mécanisme, un condamné peut être considéré comme pouvant prétendre à une libération anticipée dès lors qu'il a purgé les deux tiers de sa peine. Ce qui n'est pas le cas du doyen des condamnés du TPIR, qui a été arrêté en République démocratique du Congo (RDC) le 5 mai 2004 et transféré au siège du tribunal, à Arusha, en Tanzanie, deux jours plus tard.
En vertu de cette pratique, huit condamnés du TPIR, parmi lesquels un ancien haut responsable économique proche de l'ex-président Juvénal Habyarimana, deux officiers militaires et un médecin, ont déjà bénéficié de la libération anticipée. Des décisions qui ont fait l'objet de vives critiques au Rwanda, notamment de la part d'associations de survivants du génocide.
Faute de point de chute, certains des condamnés libérés vivent encore à Arusha, avec d'anciens compagnons acquittés également en quête de pays d'accueil.
Lors de sa dernière intervention aux Nations unies, début juin dernier, le juge Meron a souligné que certaines de ces personnes acquittées ou libérées demandent à être réinstallées depuis plus huit ans.