Le Sri Lanka se rend aux urnes ce lundi 17 août pour des élections parlementaires. Selon un récent rapport de l'International Crisis Group, le résultat pourrait être crucial pour la réconciliation d’un pays qui se remet à peine de 25 années de conflit violent.
«Les chances du Sri Lanka d’enfin commencer à résoudre durablement les conflits ethniques du pays datant de dizaines d’années, y compris grâce à règlement politique négocié, dépend de l'issue (des élections)»,dit le rapport de l'ICG.
Le Sri Lanka, une ancienne colonie britannique, est encore déchirée par 25 ans de violences et de conflits entre la majorité cinghalaise pour la plupart bouddhiste et la minorité tamoule largement hindoue et habitant le nord-est de l’île.
La montée du nationalisme cinghalais après l'indépendance en 1948 a alimenté les divisions ethniques, et la guerre civile a éclaté dans les années 1980 alors que les Tamouls ont lancé une lutte pour l’autonomie de leur région puis pour leur indépendance. De pacifique, leur combat mené par les Tigres a été de plus en plus violent.
Les Cinghalais estiment que le colonisateur britannique a favorisé les Tamouls à leurs dépens.
Quelque 70.000 personnes ont été tuées dans le conflit, qui a mis à mal l'économie notamment le tourisme dans l'un des pays potentiellement les plus prospères de l'Asie du Sud. La communauté internationale s’est inquiétée des civils piégés dans la zone de conflit, du confinement de quelque 250.000 réfugiés tamouls dans des camps pendant des mois, et les allégations selon lesquelles le gouvernement a ordonné l'exécution de rebelles capturés ou qui s’étaient rendus .
Un rapport de l'ONU publié en 2011 affirme que les deux parties au conflit ont commis des crimes de guerre contre des civils. Le gouvernement sri-lankais a rejeté cette accusation et affirmé que les rapports étaient « biaisés ».
Un retour de Rajapaksa?
La question clé du scrutin sera la mesure du soutien apporté à deux acteurs majeurs: l'actuel président Maithripala Sirisena et à l’ex-président (2005-2015) Mahinda Rajapaksa, qui a été de façon inattendue détrôné par son ancien ministre de la Santé Sirisena en janvier de cette année, et essaie maintenant de faire un come back comme député, ou même le Premier ministre.
« Avec l'UPFA (United People's Freedom Alliance, considéré comme essentiellement pro-Rajapaksa) accusant l'UNP (United National Party, considéré comme essentiellement pro-Sirisena) de menacer la sécurité nationale et de soutenir le séparatisme tamoul, l'élection permettra de tester la force du nationalisme cinghalais de Rajapaksa, ainsi que la réalité des préoccupations du public quant à la corruption et aux abus de pouvoir », dit le rapport de l'ICG. « Même si il ne peut pas devenir Premier ministre, la présence au Parlement d'un grand bloc nationaliste cinghalais dirigé par Rajapaksa pourrait rendre plus difficile pour un gouvernement UNP-conduit à jouer comme promis la carte de la justice et de la réconciliation ».
Crimes de guerre
Sous Rajapaksa, le gouvernement sri-lankais a refusé toutes les enquêtes internationales sur les crimes de guerre présumés. Il a fait valoir que ce processus serait inutile et violerait la souveraineté nationale. Sirisena, bien que cinghalais, a choisi une position plus conciliante. « Le gouvernement Sirisena-UNP use d’un ton moins triomphaliste sur les questions ethniques », dit le rapport de l'ICG, « et a pris des mesures conciliatrices : la libération d'un certain nombre de prisonniers politiques tamouls et la fin de l’occupation militaire de quelques terrains dans les zones tamoules, tout en réduisant la présence, mais pas la taille, de l'armée et de son implication dans la gouvernance du nord et l'est. Malgré des frustrations croissantes parmi de nombreux Tamouls, les grandes décisions ont été remises à après les élections, tout comme les décisions sur les allégations de crimes de guerre commis à la fois par l’armée et les Tigres tamouls vaincus par les militaires. Le gouvernement promet une enquête nationale crédible qui réponde aux normes internationales, mais des doutes fondés subsistent quant à sa volonté et sa capacité à lutter contre l'impunité institutionnalisée et de poursuivre les crimes de guerre. Pour mener des poursuites, il faut mener des réformes institutionnelles et juridiques importantes et savoir gérer la résistance des chefs militaires et des partis nationalistes ».
Le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme doit publier un rapport très attendu présenté à la session de septembre Conseil de droits de l'homme des Nations unies. « À cette session », écrit l’ICG, « le gouvernement nouvellement élu devrait s’engager à mener des réformes nécessaires pour poursuivre les sérieuses violations des droits de l’homme causées à toutes les communautés ethniques, y compris les crimes de guerre; instruire ces poursuites avec une protection des témoins adéquate et avec un soutien de la communauté internationale. Et de consulter largement les victimes, survivants et groupes ethniques pour mener les procédures de justice transitionnelle, y compris peut-être une commission Vérité. Pour être efficaces, ces procédures requiert une surveillance et une participation internationales y compris l’assistance du OHCHR dans les enquêtes et un contrôle systématique du HRC ».