La cohabitation entre communautés reste difficile à Bambari, chef-lieu de la Ouaka, une préfecture du centre de la Centrafrique, un pays qui traverse depuis 2013 la plus grave crise de son histoire depuis son indépendance en 1960.
Au moins une dizaine de personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées dans des violences intercommunautaires ayant secoué depuis jeudi la région de Bambari, rapportent des médias locaux et internationaux.
Selon Radio Ndeke Luka, un calme relatif régnait lundi à Bambari, même si la ville restait encore paralysée et vidée d'une partie de sa population.
Le président du Conseil national de transition (Parlement provisoire), Ferdinand-Alexandre Nguendet, lui-même originaire de la région, a été le premier haut responsable à dénoncer ces nouvelles violences. « Devant la gravité des faits, le Conseil national de transition dénonce cette violence aux relents communautaires et appelle les populations de Bambari au calme », a déclaré M.Nguendet cité par Radio Ndeke Luka. « Rien, absolument rien ne peut justifier de tels actes de violences dans un contexte où le peuple centrafricain tout entier aspire à la paix et à la réconciliation entre les communautés », a-t-il ajouté.
Selon un responsable de la gendarmerie cité par l’AFP, « tout est parti de la mort d'un jeune musulman abattu par des individus armés identifiés comme étant des miliciens antibalaka à quelques dizaines de kilomètres de Bambari ».
"Ce meurtre (...) a entrainé des représailles de jeunes musulmans et ex-(rebelles) Séléka dans certains quartiers non -musulmans de la ville. On dénombre dix morts et cinq blessés », a ajouté la source, sous couvert de l’anonymat.
De nombreux habitants de ces secteurs ont fui les tirs pour regagner les sites des déplacés où vivent toujours plusieurs milliers de personnes, ont raconté des témoins sur place.
Selon d’autres sources, des volontaires de la Croix-Rouge locale et un humanitaire du Comité internationale de la Croix-Rouge ont été agressés, alors qu’ils se rendaient sur les lieux pour porter secours aux blessés.
La ville de Bambari connaissait une accalmie depuis le Forum national de Bangui (début mai dernier) au cours duquel les groupes armés avaient signé un accord de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR)
La Centrafrique est plongée dans une crise aiguë depuis le renversement en mars 2013 du président François Bozizé, chassé du pouvoir par une coalition de rebelles, la Séléka, qui a mis le pays en coupe réglée pendant 10 mois. Ces rebelles, une véritable nébuleuse difficile à contrôler, ont à leur tour été évincés avec le départ du président de transition Michel Djotodia, contraint le 10 janvier 2014 à se retirer sous la pression internationale.
Constitués comme une riposte aux exactions des Séléka, les Antibalaka, au départ des milices d’auto-défense, ont aussi vite commencé à faire régner la terreur dans une grande partie du pays, s’en prenant particulièrement aux musulmans.
Zones grises en province
Après avoir été chassée du pouvoir en janvier 2014 par une intervention militaire internationale, l'ex-coalition rebelle Séléka avait installé son état-major à Bambari, depuis lors régulièrement secouée par de nouvelles violences intercommunautaires.
Contrairement à la capitale Bangui, qui connaît un certain retour au calme depuis des mois, en province, de nombreuses zones grises restent en proie aux groupes armés et au banditisme, en dehors de tout contrôle de l'administration centrale et des forces internationales.
Quoique souvent présentés comme majoritairement chrétiens, les Antibalaka ne sont reconnus par aucune église chrétienne de Centrafrique, de même que la hiérarchie musulmane ne reconnaît aucun lien avec les Seleka.
Pour le prouver, de hauts responsables chrétiens et musulmans du pays ont lancé en 2013 l’Interfaith Peace Platorm, un cadre dans lequel ils prêchent inlassablement, main dans la main, la tolérance et la coexistence pacifique entre membres des différentes communautés religieuses.
Triste ironie du sort, la violence a repris jeudi à Bambari alors que l'Archevêque catholique de Bangui, Mgr. Dieudonné Nzapalainga, le président du Conseil islamique de Centrafrique, l'Imam Oumar Kobine Layama et le président de l'Alliance évangélique, le pasteur Nicolas Guérékoyaméné-Gbangou venaient de recevoir, la veille à Genève, au nom de Interfaith Peace Platorm, le Prix Sergio de Mello 2015 pour leur combat en vue du retour à la paix en Centrafrique.