RDC: Bosco Ntaganda, au gré des guerres de l'Est congolais

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Surnom : "Terminator". Bosco Ntaganda, dont le procès s'ouvre mercredi à la Cour pénale internationale (CPI), est réputé pour avoir été un chef de guerre opportuniste et sans pitié au sein des rébellions où il a évolué dans l'est de la République démocratique du Congo.

Âgé de 41 ans, il est le cinquième ex-chef rebelle congolais à être jugé à La Haye. Il est aussi le premier à y avoir été transféré à sa demande début 2013, après la débâcle d'une frange de la rébellion Mouvement du 23 Mars (M23) qu'il menait au Nord-Kivu, dans l'est du Congo.

Grand, de corpulence moyenne, teint clair, très imbu de lui-même et connu pour avoir la "gâchette facile", M. Ntaganda est accusé d'avoir joué un rôle central dans les crimes "ethniques" commis en 2002 et 2003 dans le district de l'Ituri (nord-est de la RDC).

Il doit répondre de 18 chefs de crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis par les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), milice dont il était le chef militaire. Il est notamment accusé d'avoir lui-même violé et réduit en esclavage sexuel des filles de moins de 15 ans.

Son avocat, Stéphane Bourgon, le présente aujourd'hui comme un père de famille nombreuse séparé de ses enfants "depuis plus de deux ans" qui n'a pas vu sa femme depuis plus de neuf mois, ce qui est "très dur pour lui".

A la prison de la CPI, assure Me Bourgon, M. Ntaganda "ne reste pas inoccupé": "il participe régulièrement aux activités sportives, lit beaucoup et prend des cours d'anglais". "Il apprend aussi à jouer du piano."

Issu d'une famille tutsie de six enfants, Bosco Ntaganda est né en 1973 au Rwanda, qu'il a quitté dans le milieu des années 1980 pour s'installer dans le Masisi, territoire de la province du Nord-Kivu où vit une importante communauté rwandophone.

Non diplômé, d'expérience exclusivement militaire, il fait ses armes avec le Front patriotique rwandais (FPR): il participe au Rwanda aux combats qui mettront fin au génocide des Tutsis par les Hutus en 1994. Deux ans plus tard, en RDC, il rejoint la rébellion de Laurent-Désiré Kabila qui mettra fin en 1997 à la longue dictature de Mobutu Sese Seko.

Pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), il devient un moment le garde du corps d'Ernest Wamba dia Wamba, président du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), groupe rebelle à dominante tutsi-congolaise soutenu par le Rwanda.

M. Ntaganda combat plus tard en Ituri, cette fois comme chef d'état-major des FPLC, et les méfaits qui lui sont alors attribués lui valent en 2006 un premier mandat d'arrêt de la CPI, resté secret. En 2008, la Cour révèle l'existence de son mandat dans le but de faire pression sur les autorités congolaises pour qu'elles arrêtent M. Ntaganda.

Celui-ci est alors chef d'état-major général de la branche armée du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Entré en dissidence, il contribue à la chute, début 2009, de Laurent Nkunda, chef charismatique de ce nouvel avatar du RCD au Kivu et négocie avec Kinshasa l'intégration du CNDP au sein des forces armées gouvernementales.

Chargé de superviser cette opération, il rallie l'armée nationale avec un grade de général, et est nommé commandant en second des opérations au Kivu.

Selon diverses ONG et des rapports internationaux, il profite de ses fonctions pour s'enrichir à l'aide de divers trafics, notamment de minerais, dont regorge la région.

En mars 2012, la CPI condamne Thomas Lubanga, ancien chef de M. Ntaganda dans les FPLC et accusé des mêmes crimes que lui. Sentant faiblir la détermination de Kinshasa à le protéger des poursuites du tribunal de La Haye, le général Ntaganda fait défection de l'armée le mois suivant avec des dizaines d'anciens du CNDP.

Ces désertions contribueront à la naissance au M23, qui sévira au Nord-Kivu 18 mois durant avant d'être vaincu en novembre 2013. Mais pour M. Ntaganda, visé en juillet 2012 par un nouveau mandant de la CPI, l'aventure cessera plus tôt.

A la suite de dissensions accompagnées de combats au sein du mouvement, il est contraint à fuir au Rwanda, et à se réfugier à l'ambassade des États-Unis à Kigali, d'où il demandera son transfert à la CPI.