Bosco Ntaganda a été l'un des principaux artisans des violences qui ont "décimé" le nord-est de la République démocratique du Congo en 2002 et 2003, a affirmé mercredi la procureure de la Cour pénale internationale à l'ouverture du procès pour crimes contre l'humanité de l'ancien chef de guerre.
"Bosco Ntaganda était l'un des commandants les plus importants et a ordonné des attaques et la mort" de civils, a affirmé la procureure de la CPI Fatou Bensouda devant la cour à La Haye: "cette affaire concerne la violence qui a décimé la région de l'Ituri, tuant des centaines de civils, laissant des milliers vivre de rien dans la forêt".
"La population a été traumatisée par les violences sexuelles", a-t-elle ajouté, sous le regard impassible de l'accusé, vêtu d'une chemise blanche et d'une cravate grise rayée.
Deux jours sont prévus pour l'ouverture du procès : Mme Bensouda s'exprimait la première, puis l'accusation laissera la parole aux avocats des victimes, à l'avocat de M. Ntaganda et enfin à l'accusé lui-même.
"Il ne s'agit pas du procès d'un groupe ethnique, c'est le procès d'un individu qui a profité des tensions ethniques en Ituri à des fins personnelles, pour atteindre le pouvoir et la richesse", a ajouté Mme Bensouda.
Bosco Ntaganda, 41 ans, est accusé de 13 crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité, dont des meurtres, pillages, attaques contre des civils, viols et esclavage sexuel.
L'accusé était chef adjoint de l'état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), milice à prédominance Hema qui visait, selon l'accusation, les populations perçues comme appartenant aux ethnies Lendu, Bira et Nande.
Les violences ayant déchiré l'Ituri, région riche en minerais, ont coûté la vie à plus de 60.000 personnes, d'après les ONG.
M. Ntaganda est le premier accusé en droit pénal international qui doit répondre de viols et esclavage sexuel commis sur des enfants de sa propre milice.
"Ntaganda et sa milice ont forcé des enfants à tuer, ils les ont traités de manière cruelle et ont violé les filles", a ajouté l'adjointe de Fatou Bensouda, Nicole Samson.
Au cours du procès, l'accusation devrait présenter plus de 8.000 documents, dont des rapports d'experts, extraits vidéo et déclarations. Plus de 70 "témoins de faits" et une dizaine d'experts témoins seront cités.
- 'non coupable' -
A l'ouverture de l'audience, Bosco Ntaganda a répété, d'une voix presque inaudible, et dans sa langue maternelle, le kinyarwanda, qu'il plaidait "non coupable de toutes les charges retenues".
L'ancien chef de guerre, qui a gardé sa fine moustache emblématique, prendra la parole lorsque son avocat, le Canadien Stéphane Bourgon, aura terminé sa déclaration liminaire, probablement jeudi.
M. Ntaganda "maintient son innocence face à chacune des accusations portées contre lui et il entend présenter une défense exhaustive", avait indiqué son avocat mardi: "il est impatient d'avoir une chance de se défendre".
Général dans l'armée congolaise de 2007 à 2012, Bosco Ntaganda était le fugitif le plus recherché dans la région des Grands Lacs jusqu'à ce qu'il se rende, de manière inopinée, à l'ambassade américaine de Kigali, au Rwanda, en mars 2013, pour demander son transfert à la CPI.
Du génocide des Tutsis au Rwanda (1994) à la dernière rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans l'est de la RDC, cet aventurier opportuniste aura été de toutes les guerres qui ont déchiré la région, entraînant des violences inouïes sur les civils.
Grand, de corpulence moyenne, teint clair, imbu de lui-même, Ntaganda est réputé, partout où il est passé, pour avoir la "gâchette facile". Il a été surnommé "Terminator", "Maréchal" ou encore "Tango Roméo".
Les avocats des 2.149 victimes reconnues dans le cadre des procédures auront également la parole: "nos clients avaient entre 7 ans et demi et quinze ans quand ils ont été enrôlés", avait affirmé mardi l'une des avocates, Sarah Pellet. "Leur reconstruction passe par la reconnaissance des crimes qu'ils ont subis".