La liste définitive des candidats à l'élection présidentielle du 25 octobre en Côte d'Ivoire, rendue publique mercredi par le Conseil constitutionnel, n'a pas donné lieu à des surprises: le président sortant Alassane Ouattara briguera un deuxième mandat face à une opposition morcelée.
Au total, dix candidats seront au premier tour.
Le chef de l'État, qui peut se targuer d'un bon bilan économique, est le grand favori de ce scrutin crucial pour la stabilisation du pays après la crise postélectorale de 2011.
Plus de 3.000 Ivoiriens étaient morts en cinq mois de violences causées par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara, épilogue d'une décennie de crise politico-militaire en Côte d'Ivoire.
Bon nombre d'observateurs voient M. Ouattara, 73 ans, remporter une victoire dès le premier tour, un objectif ouvertement affiché par le camp présidentiel.
Pas moins de 33 personnes avaient déposé leurs candidatures - dont certaines folkloriques - et l'annonce de la liste par le Conseil constitutionnel devrait de facto donner le coup d'envoi de la campagne, même si celle-ci n'est censée commencer que le 9 octobre.
Le Conseil, présidé par Mamadou Koné considéré comme un proche d'Alassane Ouattara, a finalement écarté 23 des 33 dossiers (22 non-recevables, un non-éligible) présentés.
Les principaux adversaires de M. Ouattara seront l'ancien Premier ministre (2005-2007) Charles Konan Banny, Pascal Affi N'Guessan, candidat du Front populaire ivoirien (FPI) de l'ex-président Gbagbo ou l'ancien président de l'Assemblée nationale Mamadou Koulibaly. Ils voudront pousser Alassane Ouattara à un second tour pour ensuite tenter de fédérer derrière eux.
Grand absent du scrutin, Laurent Gbagbo, qui attend dans une cellule de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye (Pays-Bas) l'ouverture de son procès le 10 novembre pour crimes contre l'humanité en raison de son rôle présumé dans les violences électorales de fin 2010-début 2011.
- 'redorer le blason de la Côte d'Ivoire' -
Avant même l'annonce officielle de la liste, les opposants les plus virulents au président Ouattara avaient déjà contesté sa candidature et appelé à manifester.
Ils brandissent l'article 35 de la Loi fondamentale, qui stipule qu'un candidat à la présidentielle "doit être Ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d'origine".
En 2010, lors de l'élection de M. Ouattara, dont la nationalité a souvent été mise en doute par le passé, le Conseil constitutionnel n'avait pas eu à se prononcer. Laurent Gbagbo avait usé de l'article 48 de la Constitution, dans un contexte de crise politico-militaire, pour permettre à tous les candidats de se présenter.
Les "frondeurs" du FPI, qui ont décidé de boycotter le scrutin, estiment que "M. Ouattara n'est pas éligible au regard de la Constitution" et appellent jeudi à des "manifestations démocratiques publiques".
La jeunesse de la Coalition nationale pour le changement (CNC), un groupement de personnalités politiques opposées au chef de l'Etat qui abrite également les frondeurs du FPI, a aussi appelé à des "marches sur toute l'étendue du territoire" à partir de jeudi.
Les conditions d'"une élection apaisée ne sont pas réunies. Nous marchons pour éviter une nouvelle crise postélectorale", a expliqué à l'AFP Samba David, un des leaders de la CNC.
"Ce qu'ils ne peuvent empêcher dans les urnes - la réélection de Ouattara -, certains voudraient l'empêcher d'une autre manière", estime un observateur de la vie politique ivoirienne.
Le Conseil constitutionnel a souligné que sa décision "traduit d'abord la volonté de la juridiction Constitutionnelle d'éliminer désormais du contrôle de l'éligibilité des notions confligènes telles que celles d'être Ivoirien +d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine+, ou de +ne s'être jamais prévalu d'une autre nationalité+".
Il indique aussi vouloir avec cette décision "redorer le blason de la Côte d'Ivoire quelque peu terni (...) par une embarrassante réputation d'Etat xénophobe et exclusionniste".
"La justice au nom du peuple de Côte d'Ivoire, ne saurait déclarer inéligible un candidat que le même peuple avait déjà oint de son suffrage en 2010, en parfaite connaissance de tout ce qui avait pu se dire sur lui", ajoute le Conseil.
Le ministre de l'Intérieur Hamed Bakayoko a mis en garde lundi contre tout désordre, prévenant "ceux qui s'agitent dans l'ombre pour perturber le déroulement de l'élection présidentielle que les moyens seront mis en place pour que ce scrutin soit sécurisé et apaisé".