La reprise du procès d’Hissène Habré a dominé la semaine de la justice transitionnelle. L’ancien Président tchadien fidèle à sa tactique de récuser les Chambres Africaines Extraordinaires a dû être transporté de force dans la salle du tribunal de Dakar. Mais au delà de cette posture, les CAE ont commencé à travailler sereinement et sérieusement. Comme l’a dit Me Jacqueline Moudeïna, présidente du collectif des avocats des victimes,"Si Hissène Habré décide à nouveau de choisir le théâtre, une telle attitude ne l'honorera pas, cela n'arrêtera pas la justice".
En détention depuis deux ans au Sénégal, où il a trouvé refuge en décembre 1990 après avoir été renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby, Habré est poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture". La répression sous son régime a fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne.
Selon l’acte d’accusation lu au tribunal, "de tous les acteurs du système de répression, Hissène Habré est celui qui a été le plus mis en cause. Il en aurait été le cerveau, l'organisateur en chef. Il en était aussi l'animateur".
Ces organes de répression "agissaient sous son contrôle direct de Hissène Habré" Il "recevait quotidiennement le compte rendu des activités menées par la DDS (Direction de la documentation et de la sécurité, sa police politique ) et tenait à être informé de tout ce qui (s'y) passait. Les ordres d'arrestation, de détention et de libération venaient" de lui, selon le texte.
Parmi les tortures pratiquées par la figurait "l'arbatachar", caractéristique de la répression tchadienne, consistant à attacher dans le dos les bras et les jambes du détenu, provoquant de graves difformités et la paralysie des membres.
Le procès d’Hissène Habré doit durer plusieurs semaines et l’ancien Président sera confronté aux victimes de son système de répression et de terreur. Sa tactique de récuser le tribunal risque d’apparaître en peu courte face à ces témoignages ; d’autant que quoiqu’en dise Habré, il est jugé en Afrique par des Africains. Les CAE ont été créées par l’Union Africaine et le Président du Tribunal est burkinabé. À écouter l’ancien Président ou ses avocats, aucun tribunal n’aurait jamais grâce à leurs yeux : ni tchadien, ni international comme la CPI, ni supranationale, ni africain. Bien sûr, nombre de dictateurs échappent à la justice ; son successeur Deby contre lequel un avocat d’Habré a porté plainte devant les CAE ne vaut guère mieux. Mais, rien dans cette dialectique spécieuse ne répond sur le fond aux accusations immensément graves portées contre Habré.
Nouveau terrain de la justice dans les pays en guerre : l’Ukraine qui a donné mardi son feu vert à la CPI pour enquêter sur des crimes de guerre commis depuis février 2014 sur son territoire, notamment dans sa partie orientale où près de 8.000 personnes ont été tuées.
Pour les ONG, cet engagement est une bonne nouvelle : "de nombreux crimes présumés ont été commis en Ukraine depuis février 2014, notamment des violences contre les civils et le tir sur le vol MH17, dont le crash avait tué les 298 personnes à son bord", a souligné la Coalition pour la CPI. Reste à savoir si la CPI qui a jusqu'à présent ouvert huit enquêtes, toutes dans des pays africains suivra. Enquêter sur les crimes commis en Ukraine signifie enquêter sur la Russie qui n’a pas ratifié le traité de Rome et s’oppose à toute ingérence de la justice internationale dans ses affaires ou celles de ses affidés comme en Syrie.
Sinon, le Burundi s’enfonce dans la crise et la violence et plusieurs ONG ont alerté la communauté internationale sur la détérioration de la situation depuis la réélection contestée du Président Pierre Nkurunziza. « Dans un contexte de crise politique grandissante, des mesures urgentes sont nécessaires pour suivre au plus près les développements sur le terrain, renforcer la protection des défenseurs des droits de l’Homme, des journalistes et des membres et partisans de partis d’opposition, et permettre que davantage de rapports sur les violations commises dans le pays soient rendus publics de manière régulière », demande la lettre.
Enfin, le monde des affaires n’échappe plus à la justice transitionnelle. Un diamantaire à la double nationalité belge et américaine Michel Desaedeleer a été extradé en Belgique où il a été placé sous mandat d’arrêt et inculpé pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Arrêté fin août en Espagne, Desaedeleer est accusé d’avoir trafiqué des diamants avec l’ex Président Charles Taylor, les « blood diamonds » qui ont alimenté la guerre et les violences extrêmes en Sierra Leone et au Liberia. Il sera jugé en Belgique.