De violents heurts ont opposé dimanche sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem des musulmans aux forces de l'ordre israéliennes, qui ont expulsé pour la première fois la garde jordanienne positionnée sur le site sacré ultra-sensible, à quelques heures des célébrations du nouvel an juif.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné une "attaque" et des "agressions de fidèles", réaffirmant que la mosquée Al-Aqsa et les lieux saints étaient une "ligne rouge" à ne pas franchir.
Depuis plusieurs jours, Palestiniens et Arabes Israéliens redoutaient des affrontements à l'occasion des fêtes juives.
La tension était montée après l'interdiction cette semaine par la Défense israélienne des "mourabitoune", un groupe de "sentinelles" musulman qui affirme défendre le troisième lieu saint de l'islam, également le site le plus sacré du judaïsme.
A l'occasion de la nouvelle année du calendrier juif, et comme le leur autorise le statu quo --des règles tacites héritées du conflit de 1967 --, des groupes de juifs se sont rendus sur l'esplanade.
De 07H30 à 11H00 tous les matins --à l'exception du vendredi, jour de la grande prière musulmane et du samedi, chômé chez les juifs--, les visiteurs non-musulmans sont autorisés à y entrer.
Une heure avant leur venue, la police israélienne a pénétré dans la mosquée Al-Aqsa, où se trouvaient des dizaines de musulmans, ont indiqué des témoins. Des policiers postés sur le toit ont brisé les vitres, des pièces d'antiquité, pour y tirer des grenades lacrymogènes et assourdissantes, ont-ils ajouté.
"Les commandos spéciaux sont entrés jusqu'au pied de la chaire où l'imam prononce le sermon", a affirmé à l'AFP Mahmoud Abou Atta, un militant en contact avec les musulmans qui se trouvaient à l'intérieur.
Alors que les affrontements se poursuivaient, et sous des colonnes de fumées provoquées par les tirs, plusieurs groupes de visiteurs non-musulmans sont entrés par la porte des Maghrébins, la seule réservée aux non-musulmans, tandis que toutes les autres portes étaient fermées par la police israélienne.
- Le directeur d'Al-Aqsa arrêté -
Pour justifier son intervention, la police israélienne a affirmé que "des manifestants masqués" s'étaient barricadés dans la nuit dans la mosquée avec l'intention de perturber l'arrivée des visiteurs juifs, et qu'ils avaient lancé "des pierres et des pétards vers les policiers".
Aux abords de l'esplanade, des policiers déployés en nombre ont pourchassé les manifestants et plusieurs journalistes ont été molestés, dont un photographe de l'AFP. 20 personnes ont été hospitalisées à l'issue des heurts sur et autour de l'esplanade, selon le Croissant-Rouge palestinien.
Le calme est revenu à la mi-journée et un photographe de l'AFP a vu des dizaines de fidèles déblayer le sol de la mosquée, recouvert de bris de verre, de pierres, et des tapis brûlés. Des balles en caoutchouc jonchaient l'esplanade.
L'organisation des Biens religieux (Waqf), qui gère le site, a dénoncé l'expulsion par les forces israéliennes des gardes positionnés sur l'esplanade par la Jordanie, gardienne du lieu saint selon le statu quo de 1967.
"C'est la première fois qu'ils évacuent tous les gardes", a indiqué à l'AFP Firas al-Dibs, porte-parole du Waqf. "Le directeur de la mosquée Al-Aqsa, Omar Kaswani, a été blessé et arrêté", a-t-il ajouté.
- Le statu quo en péril -
En novembre 2014, la Jordanie, seul pays arabe avec l'Egypte à avoir signé un traité de paix avec Israël, avait rappelé son ambassadeur durant trois mois pour protester contre l'incursion de la police dans al-Aqsa et la fermeture d'une journée du lieu saint, un événement exceptionnel.
Dimanche, Amman a appelé Israël à "cesser les provocations" et dénoncé "des tentatives répétées de modifier le statu quo".
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réaffirmé vouloir "maintenir le statu quo" tout en prévenant qu'il était du devoir de son gouvernement "d'agir contre les émeutiers".
L'émissaire spécial de l'ONU pour le Proche-Orient Nickolay Mladenov a appelé dans un communiqué les deux parties à "faire preuve de retenue et respecter le caractère sacré de lieu".
Ezzat al-Richq, haut dirigeant du Hamas en exil, a dénoncé "un crime de guerre qui vise à entériner le plan israélien de division d'Al-Aqsa".
C'est de l'esplanade des Mosquées qu'était partie la deuxième Intifada, en réaction à la venue de l'ex-Premier ministre Ariel Sharon en septembre 2000 sur ce site.