La contestation populaire contre les autorités congolaises dans la région de Beni s'est élargie mercredi à d'autres villes de cette zone de l'est de la République démocratique du Congo frappée par une succession de massacres depuis octobre, selon plusieurs témoins.
L'armée congolaise a annoncé de son côté avoir perdu quatre hommes dans des combats contre les rebelles ougandais musulmans des Forces démocratiques alliées (ADF) accusés d'avoir tué plus de 300 personnes dans la région depuis octobre.
Dix-neuf de ces miliciens ont été tués depuis mardi dans ces affrontements dans la zone montagneuse au nord-est de Beni qui leur sert traditionnellement de repaire, a déclaré à l'AFP un porte-parole militaire, le major Victor Masandi.
A Beni, dans le nord de la province du Nord-Kivu, "tout reste fermé" pour le troisième jour de suite, a affirmé à l'AFP Gilbert Kambale, un des instigateurs du mouvement "ville morte" lancé lundi.
"Les populations de Oicha [...] et de Butembo ont emboité le pas" à la contestation, a ajouté M. Kambale, joint au téléphone de Goma, la capitale du Nord-Kivu.
Place commerciale importante à 250 km au nord de Goma, en particulier pour le commerce et le trafic du bois dans la région des Grands Lacs, Beni compte environ 500.000 habitants.
Un conducteur de taxi-moto de la ville, Eric Muhindo, a confirmé la poursuite du mouvement "ville morte", indiquant que cela commençait à devenir lourd à supporter pour la population. "Je n'ai pas travaillé depuis lundi. Il m'est difficile de nourrir ma famille", a-t-il déclaré.
Exaspérés par une nouvelle tuerie ayant fait six morts, des centaines d'habitants sont descendus dans les rues de Beni mardi en scandant des slogans hostiles à l'armée, au gouvernement ou au président Joseph Kabila.
A Butembo (plus d'un million d'habitants, à 50 km au sud de Beni), "tout est fermé", selon Joseph Paluku, directeur d'une école secondaire. Avocat, Arthur Malekani, a dit espérer que cela amène une réaction des autorités.
A Oicha (30 km au nord de Beni, environ 130.000 habitants), l'activité économique a été paralysée, selon Jean-Paul Ngahangondi, un responsable de la société civile locale, et Édouard Kapita, vendeur de carburant.
Le Nord-Kivu est déchiré par des conflits depuis plus de vingt ans, et accueille la plus grande part des quelque 20.000 soldats déployés dans le pays par la Mission de l'ONU au Congo (Monusco).
Le regain de violence imputable aux ADF a suivi l'annonce de l'arrestation de leur chef Jamil Mukulu en Tanzanie en avril. La Monusco a accusé les rebelles d'être à l'origine de l'attaque contre une de ses patrouilles ayant coûté la vie le 5 mai à deux Casques bleus tanzaniens et deux civils congolais.
Dans un rapport d'enquête publié mercredi sur les atrocités commises par les ADF au dernier trimestre 2014, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'Homme en RDC (BCNUDH) note que les crimes commis par ces miliciens dans la région de Beni "ont été systématiques et d'une extrême brutalité" et "pourraient constituer, de par leur type et leur nature, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité".
Selon l'ONU, "au moins 237 civils, dont au moins 65 femmes et 35 enfants" ont été ainsi tuées en trois mois à "l'aide de machettes, de haches, de marteaux, de couteaux, de grosses pierres et de gourdins", souvent après avoir été "mutilés ou égorgés" quand ils n'étaient pas "brûlés vifs dans leur habitation".