Au lendemain de l'annonce d'un coup d'Etat contre le président burundais Pierre Nkurunziza, les habitants de Bujumbura se terraient chez eux, entre peur et confusion, personne ne sachant véritablement qui des militaires putschistes ou des loyalistes allaient l'emporter.
Onasphore Ndayishimiye est l'un des rares à avoir osé sortir de chez lui jeudi matin pour se rendre au travail. Sur le chemin, raconte-t-il, il a failli être blessé.
"La police m'a vu et m'a tiré dessus. J'ai levé les mains en l'air et j'ai plongé à terre", décrit-il. Encore sous le choc, il dit ignorer à quel camp appartenaient ses agresseurs et pourquoi ils l'ont visé.
Ngugusony Buyenzi, un mécanicien de 26 ans, témoigne quant à lui d'une nuit épouvantable durant laquelle la police et les miliciens au service du pouvoir ont passé leur temps à terroriser les quartiers du centre-ville.
Selon lui, des Imbonerakure -- une milice pro-Nkurunziza constituée de jeunes gens dont le nom signifie "Les hommes qui voient loin" ou "les Visionnaires" -- ont fait feu sur les gens, blessant l'un de ses amis actuellement à l'hôpital.
"J'ai peur qu'ils ne reviennent ce soir", redoute le jeune mécanicien, alors que des coups de feu retentissent au loin dans les rues désertes.
"Pierre à La Haye", entend-on répondre en écho des opposants à Pierre Nkurunziza, dans l'espoir que le président burundais ne comparaisse un jour devant la Cour pénale internationale (CPI).
L'armée burundaise est entrée en scène mercredi, avec l'annonce par son ancien chef des services de renseignement de la destitution du président, alors en Tanzanie pour un sommet de la Communauté est-africaine sur la crise au Burundi.
Jeudi, l'issue de cette tentative de coup d'Etat semblait toutefois encore incertaine. Bien que les putschistes, menés par le général Godefroid Niyombare, ex-compagnon d'armes du président, assuraient contrôler "pratiquement toute la ville", il était impossible de dire qui détenait le pouvoir.
- Un contraste saisissant avec mercredi -
Les médias burundais sont au coeur d'une guerre d'influence entre les deux camps. Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux des trois principales radios privées du pays (la RPA et Radio Bonesha) et la principale télévision indépendante, Télé Renaissance, protégées par les putschistes, ont été attaquées, pillées et brûlées, selon leurs patrons, par des policiers et des Imbonerakure.
Jeudi, c'était au tour de la radio nationale burundaise de ne plus émettre après un assaut des putschistes, désireux d'en prendre le contrôle aux troupes loyales au président Nkurunziza.
A l'aéroport, c'était morne plaine après que l'armée eut renvoyé les employés chez eux et fermé les installations pour empêcher tout retour au pays du président.
Les tirs sporadiques entendus durant la nuit se sont intensifiés juste avant l'aube. Et alors que le soleil se levait sur le lac Tanganyika, au pied de Bujumbura, des panaches de fumée noire serpentaient dans le ciel, visiblement en provenance de bâtiments situés sur le port.
Des coups de feu à proximité des hôtels du centre ont convaincu les visiteurs de se mettre à l'abri, tandis que seule une poignée de civils osaient s'aventurer à l'extérieur, une atmosphère bien différente de la veille où des milliers d'habitants étaient descendus dans la rue en chantant pour célébrer le coup d'État.
Jeudi, le contraste était saisissant: les rues étaient bloquées, soit par des hommes armés en uniforme, soit par des piles de pneus en flammes.
Même sur la rue principale, la Chaussée du Peuple Murundi, peu de véhicules circulaient. Un camion de la Croix Rouge fonçait à toute allure. Et dès qu'un véhicule de police approchait, les Burundais se cachaient.