La Colombie, déchirée depuis plus d'un demi-siècle par un conflit armé qui a fait au moins 220.000 morts et six millions de déplacés, avance vers la paix, mais n'est pas encore au bout du chemin, soulignent des analystes.
Le président Juan Manuel Santos et Timochenko, le chef des FARC, la principale guérilla colombienne, ont annoncé mercredi la signature d'un agrément sur "une juridiction spéciale" pour les combattants, point clé de pourparlers engagés il y a près de trois ans. Et l'accord final de paix devrait être signé dans un délai de six mois.
Pour Ariel Avila, analyste de la Fondation Paix et Réconciliation et spécialiste du conflit colombien, le plus dur a été accompli. "Nous avons passé l'étape de montagne et sommes dans la descente", a-t-elle déclaré à l'AFP en faisant une analogie avec le Tour de France.
"Nous avons surmonté le plus difficile, mais l'étape n'est pas terminée", a-t-elle toutefois averti, estimant que l'agrément signé à Cuba, pays garant du processus avec la Norvège, compte pour "60% de l'accord final".
Le sort réservé aux auteurs de crimes de guerre était un point d'achoppement des pourparlers entamés en novembre 2012, pour en finir avec la dernière guerre encore en cours sur le continent américain.
Ce conflit complexe a au fil des décennies opposé guérillas d'extrême gauche, forces armées et paramilitaires d'extrême droite aujourd'hui démobilisés mais largement reconvertis selon certains dans le crime organisé, le tout sur fond d'un intense trafic de cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial.
"C'est un pas énorme", a déclaré M. Santos après sa poignée de main historique avec le numéro un des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jimenez ou Timochenko. Pour le président, qui s'est fait le champion de la paix depuis son élection en 2010, s'approche "la fin de la longue nuit".
Selon Jorge Restrepo, directeur du Centre des ressources pour l'analyse des conflits (CERAC), l'étape est en effet cruciale. "Je crois que nous sommes aujourd'hui en train de tourner la page du conflit armé en Colombie", a-t-il dit à l'AFP.
"Ce n'est pas encore la paix", souligne de son côté Christian Voelker, expert d'International Crisis Group (ICG), ONG spécialisée dans la résolution des conflits. Pour lui aussi l'accord de mercredi "va avoir un impact politique très important, un impact positif à long terme dans l'opinion publique".
Toutefois "pour vraiment parler de fin du conflit, a-t-il ajouté, il manque le dialogue avec l'ELN", l'Armée de libération nationale (guévariste), deuxième guérilla de Colombie avec 2.500 combattants et engagée dans des "contacts préliminaires" à des négociations avec le gouvernement.
"Puis il y a le problème de ceux que le gouvernement appelle les groupes criminels, et qui pour d'autres sont clairement des acteurs du conflit puisqu'ils les désignent comme des paramilitaires", a-t-il précisé.
L'agrément de mercredi vise à "mettre fin à l'impunité, à obtenir la vérité, à contribuer à la réparation aux victimes et à juger et à appliquer des sanctions contre les responsables de graves crimes commis pendant le conflit armé".
Parmi ces crimes figurent "les crimes contre l'Humanité, le génocide et les crimes de guerre tels que la prise d'otages ou autre privation aggravée de liberté, la torture, le déplacement forcé, la disparition forcée, les exécutions extrajudiciaires et la violence sexuelle".
"La signature d'un accord de paix n'est pas la fin de la violence en Colombie", tweetait mercredi soir le journaliste colombien Felix de Bedout, de la chaine Univision. Mais "il s'agit, a-t-il dit, de tenter quelque chose de différent après plus de 50 ans de tragédie".