Deux ONG défendant les droits de la minorité yézidie du nord de l'Irak ont appelé jeudi la Cour pénale internationale à ouvrir une enquête sur les crimes commis contre elle par le groupe Etat islamique (EI), accusant les jihadistes de génocide et d'esclavage sexuel.
Elles ont remis à la procureure des documents montrant que "EI a systématiquement commis des atrocités équivalentes à un génocide et que ces crimes relèvent de la compétence de la CPI", a déclaré à l'AFP Murad Ismael, de l'ONG Yazda.
M. Ismael a voyagé depuis Houston, aux Etats-Unis, pour déposer la plainte à La Haye, où siège la CPI.
La procureure Fatou Bensouda avait affirmé plus tôt cette année que l'EI avait commis des crimes d'une "cruauté innommable", dont des exécutions de masse, des viols et des tortures.
Elle avait toutefois dit ne pas pouvoir enquêter car ni l'Irak, ni la Syrie ne sont des Etats parties à la CPI.
La CPI est néanmoins compétente pour ces crimes car ils ont notamment été commis par des combattants étrangers de l'EI, issus de pays membres de la CPI, soutiennent les deux ONG, fournissant 20 noms de jihadistes présumés.
Les Yézidis, une minorité kurdophone adepte d'une religion pré-islamique en partie issue du zoroastrisme, ne sont ni arabes ni musulmans, et l'EI les considère comme des hérétiques polythéistes.
Cette minorité a été particulièrement visée par les exactions du groupe extrémiste sunnite qui a conquis des pans entiers du territoire irakien, notamment en août 2014 aux alentours du mont Sinjar (nord), fief des Yézidis.
Devant l'avancée de l'EI, des dizaines de milliers de Yézidis s'étaient réfugiés au sommet du Mont Sinjar, y restant pendant longtemps sans eau, ni nourriture et parfois par des températures dépassant les 40° Celsius.
Des milliers d'hommes furent massacrés, les femmes enlevées, certaines réduites en esclavage par les jihadistes. L'assaut fut décrit par l'ONU comme "une tentative de génocide".
"C'est odieux que des crimes aussi détestables soient infligés à des civils, où que ce soit sur terre", a soutenu M. Ismael.
"La communauté yézidie a été secouée par les crimes écoeurants des terroristes de l'EI qui cherchent à annihiler les Yézidis en raison de leur différence religieuse", a ajouté M. Ismael.
Selon le gouvernement kurde irakien, plus de 5.800 Yézidis ont été enlevés et seuls 2.000 ont depuis réussi à fuir. Quelque 1.280 ont été tués dans l'offensive de l'EI, 280 sont morts de faim, de soif, d'épuisement et de maladie, et 841 sont encore portés disparus.
Le bureau du procureur a reçu des milliers de plaintes de ce type, appelées "communications", depuis la création de la CPI en 2002. Aucune d'elles n'a encore mené à l'ouverture d'une enquête.