De la Colombie au Burkina Faso en passant par le Mali ou la Centrafrique, la justice transitionnelle et ses corollaires la démocratie et la réconciliation a avancé par à-coups. L’accord conclu entre le FARC et le Président colombien symbolisé par le cliché des mains serrées des anciens ennemis constitue un espoir réaliste de mettre fin à la plus longue guerre du continent sud-américain qui a fait plus de 200 000 morts en cinquante ans. La paix a une chance. Le dilemme justice et impunité bloquait les négociations. Les protagonistes ont défini un accord complexe selon lequel une juridiction spéciale permettra à la Colombie de "mettre fin à l'impunité, d'obtenir la vérité, de contribuer à la réparation aux victimes et de juger" les responsables de crimes graves, avec le concours de la commission de la vérité créée en juin dernier. Les auteurs de crimes qui coopèreront seront passibles de peines de cinq à huit ans sous des régimes spéciaux et ceux qui avoueront tardivement aux mêmes peines mais sous un régime carcéral classique. Tous les autres s'exposeront à purger des peines pouvant atteindre 20 ans.
Parmi les crimes visés figurent "les crimes contre l'humanité, le génocide et les crimes de guerre tels que la prise d'otages, la torture, le déplacement forcé, la disparition forcée, les exécutions extrajudiciaires et la violence sexuelle". En revanche, une amnistie sera prévue pour les crimes "politiques ou connexes". Autre point important de l'accord, l'obligation pour les Farc de démarrer leur désarmement dans les 60 jours après la signature d'un accord de paix final. Réponse à échéance de six mois pour savoir si ces procédures permettront à la Colombie de confronter son passé. Toutes les familles colombiennes ont été touchées par cette guerre qui a fait près de 8 millions de victimes enregistrées. Comme le disait sur France Culture l’auteur turc Hakan Gunday : “ Tout le monde sera, un jour ou l'autre, obligé de vivre avec ses victimes." L’une des questions essentielles de la justice transitionelle.
Question qui se pose avec acuité au Burkina Faso. Le coup d’Etat a échoué, le pouvoir rendu au gouvernement civil de transition mais les putschistes qui ont réprimé dans le sang les manifestations seront-ils jugés et punis. Comme l’a dit à Justiceinfo Smockey rappeur et fondateur du “balai” mouvement né de la société civile qui a fait partir le dictateur Blaise Compaoré : “la population burkinabè ne tolérera pas une amnistie pour les assassins de son peuple. Elle ne tolérera pas non plus que leurs complices puissent participer à des élections pour lesquels elle s’est sacrifiée”. C’est pourtant cette impunité que les chefs d’Etat de la CEDEAO ont promis aux putschistes et notamment à leur chef le général Diendéré, auteur de la phrase désormais historique :« Le plus gros tort a été de faire ce putsch, parce qu’aujourd’hui, lorsque l’on parle de démocratie, on ne peut pas se permettre des actions de ce genre”. Finalement, le régiment factieux a été dissous. Il reste que pour l’heure le général et les autres officiers sont libres.
Autre obstacle à la transition, la sécurité sans laquelle aucun processus judiciaire ou démocratique ne peut advenir. Ainsi, le Mali a reporté ses elections locales et le gouvernement a changé plusieurs ministres aux postes-clefs de la Justice et de la Sécurité accusés de ne pas avoir su instaurer la paix dans le pays. Inquiétude similaire en République centrafricaine où la salve des elections devait commencer le 4 octobre mais où un report parait certain faute de sécurité sur le terrain y compris à Bangui comme le montrent les affrontements ce weekend et de finalisation du processus démocratique. Enfin, innovation de la Cour Pénale Internationale, l'inculpation d'un Malien arrêté au Niger suspecté d'avoir détruit les mosquées de Tombouctou, c'est la première fois qu'un crime de guerre "culturel" est ainsi reconnu par la CPI. Prochaine cible : l'Etat islamique ?