Vladimir Poutine a fait un pas de plus dans l'engagement militaire en Syrie en obtenant mercredi le feu vert de son Sénat pour des frappes aériennes en soutien à l'armée du président Bachar al-Assad, à quelque heures d'une réunion sur la "menace terroriste" au Conseil de sécurité.
Cette accélération de l'engagement de Moscou dans le dossier syrien s'inscrit sur fond de bras de fer entre le président américain Barack Obama et son homologue russe sur le sort à réserver à Bachar al-Assad, "tyran" qui doit partir pour l'un et rempart contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) pour l'autre.
Le Kremlin l'a dit clairement: un feu vert de l'ONU ou bien une demande d'aide du régime de Damas suffit à autoriser une intervention militaire russe. Et selon le chef de l'administration présidentielle Sergueï Ivanov, Bachar al-Assad, dont le pays a de longue date une accord de coopération militaire avec la Russie, a demandé l'"aide militaire" de son allié.
Les 162 sénateurs présents ont approuvé à l'unanimité la demande du Kremlin d'autoriser le recours à un "contingent militaire" à l'étranger, dans un vote similaire à celui qui avait précédé l'envoi de forces spéciales russes dans la péninsule ukrainienne de Crimée peu avant son annexion en mars 2014.
Cette demande du chef de l'État à la chambre haute est formellement nécessaire pour que Vladimir Poutine, en tant que chef des armées, se lance dans une intervention militaire.
Sergueï Ivanov a néanmoins précisé que le dispositif ne concernait que des frappes aériennes, excluant ainsi - tout du moins pour l'heure - l'engagement de troupes au sol.
"L'objectif militaire de cette opération est exclusivement un soutien aérien aux forces armées syriennes dans leur lutte contre l'EI", a justifié devant les journalistes peu après le vote M. Ivanov.
Selon ce proche de Vladimir Poutine, d'éventuelles frappes russes contre les jihadistes de l'EI s'inscriraient dans le cadre du droit international puisque le président syrien Bachar al-Assad a officiellement demandé à Moscou son aide militaire, à défaut d'une résolution à l'ONU.
"L'emploi de forces armées sur le territoire d'un pays tiers est possible par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ou sur demande des autorités légitimes de ce pays", a répété le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
"Tous nos partenaires et alliés seront informés aujourd'hui de cette décision, et les ministères de la Défense vont probablement recevoir des informations spécifiques", a indiqué M. Ivanov.
"Il ne s'agit pas de réaliser un quelconque objectif géopolitique ou d'assouvir une quelconque ambition, comme nous en accusent régulièrement nos partenaires occidentaux. Il s'agit des intérêts de la Russie", a poursuivi M. Ivanov.
- Projet de résolution russe -
A la manoeuvre dans le dossier syrien, Vladimir Poutine s'est imposé en quelques semaines comme un acteur incontournable face à Barack Obama.
Washington a été pris de court par le coup de poker de Moscou qui a solidement renforcé en septembre sa présence militaire dans le nord-ouest de la Syrie, bastion du régime, en déployant des dizaines d'avions, hélicoptères et tanks et en construisant une base militaire dans l'aéroport de Lattaquié. La Russie a également intensifié ses livraisons d'armes à l'armée régulière syrienne.
Lundi à l'ONU, le maître du Kremlin avait appelé à la formation d'une "large coalition antiterroriste" contre l'EI, incluant Damas et Téhéran.
Barack Obama, qui mène sans grand succès depuis un an une vaste campagne contre le groupe jihadiste, rejette cette idée et insiste sur la nécessité d'un "nouveau dirigeant" à Damas. Le président français François Hollande est du même avis, affirmant qu'"on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau".
La Russie doit présider mercredi une session du Conseil de sécurité de l'ONU sur la lutte "contre la menace terroriste", en premier lieu celle de l'EI en Irak et en Syrie. Elle doit y proposer un projet de résolution allant dans ce sens.
Malgré les différends, Vladimir Poutine a reconnu un dialogue "constructif et étonnamment ouvert" avec Barack Obama lors de la première rencontre officielle entre les deux hommes depuis deux ans.
A la tribune de l'ONU, le président américain avait déjà ouvert la porte à une coopération "avec tous les pays, y compris la Russie et l'Iran" pour tenter de trouver une issue à la guerre qui a détruit la Syrie et fait plus de 240.000 morts en quatre ans et demi.
Paris a annoncé mercredi que 30 jihadistes avaient été tués dans le premier raid aérien mené dimanche par la France contre l'EI en Syrie, tandis qu'une enquête pour "crimes contre l'humanité" a été ouverte en France visant le régime de Bachar al-Assad pour des exactions commises en Syrie entre 2011 et 2013.