Syrie: enquête ouverte en France visant le régime Assad pour "crimes contre l'humanité"

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Une enquête pénale pour "crimes contre l'humanité" a été ouverte en France visant le régime de Bachar al-Assad, pour des exactions commises en Syrie entre 2011 et 2013, Paris appelant à "agir contre l'impunité de ces assassins".

Ce front judiciaire, initié par le Quai d'Orsay via un signalement à la justice, est ouvert alors que Paris, Washington et Ryad viennent de refuser à l'ONU toute participation du président syrien à la recherche d'une solution au conflit syrien, ce que préconise au contraire Moscou.

"Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette bureaucratie de l'horreur, face à cette négation des valeurs d'humanité, il est de notre responsabilité d'agir contre l'impunité de ces assassins", a affirmé le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius dans une déclaration transmise à l'AFP.

Le parquet de Paris a ouvert le 15 septembre une enquête préliminaire contre X pour "crimes contre l'humanité" après un signalement du ministère des Affaires étrangères, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.

Selon cette source, la qualification de crimes contre l'humanité vise des faits d'enlèvements et de tortures commis par le régime syrien.

L'enquête se base notamment sur le témoignage de "César", un ex-photographe de la police militaire syrienne qui s'était enfui de Syrie en juillet 2013, en emportant 55.000 photographies effroyables de corps torturés. Son histoire est racontée par une journaliste française, Garance Le Caisne, dans un livre à paraître en France le 7 octobre, "Opération César - Au coeur de la machine de mort syrienne".

Dans un entretien publié sur le site de L'Obs, cet homme réfugié en France dit vouloir "montrer le vrai visage de Bachar al-Assad, celui d'un dictateur qui a fait couler beaucoup de sang".

- "Une première dans le monde" -

La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) s'est félicitée de cette enquête, "une première dans le monde". "Le moment choisi n'est pas innocent", a relevé son président d'honneur Patrick Beaudouin. "Il faut espérer que cette enquête préliminaire puisse aller plus loin avec l'ouverture d'une information."

Pour cela, il faut qu'une de ces deux conditions soit remplie: soit une des victimes a la nationalité française (mais à ce jour il n'y en a pas d'identifiée), soit un responsable impliqué dans ces crimes a une résidence habituelle en France, a expliqué une source proche du dossier.

Tout en saluant "un signe positif", l'association Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat) a appelé la France à "aller plus loin dans la lutte contre l'impunité", en instaurant "une véritable compétence universelle permettant de juger tous les auteurs de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de génocide commis à l'étranger contre des étrangers".

Les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCHGCG) s'appuieront notamment sur des photos accumulées pendant deux ans par "César", qui a travaillé dans une unité de documentation de la police militaire syrienne avant d'être exfiltré de Syrie.

Lors d'une conférence de presse à Paris en mars 2014, plusieurs photos d'une cruauté insoutenable, provenant d'une carte-mémoire emportée par "César", avaient été projetées. Intitulé "Assad's secret massacres" ("Les massacres secrets d'Assad"), le photoreportage était destiné aux instances internationales dont l'ONU, pour instruire un dossier sur la responsabilité du régime dans des "tortures de masse".

Sur ces clichés, on voyait des yeux arrachés, des gens avec des lésions sur le dos ou le ventre, des corps décharnés et aussi une photo montrant une centaine de cadavres gisant dans un hangar, au milieu de sacs de plastique devant servir à les enterrer.

L'annonce de l'ouverture de cette enquête intervient alors que la crise syrienne est au centre de l'Assemblée générale des Nations unies.

Lundi, le président François Hollande a affirmé à l'ONU qu'"on ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau", se prononçant ainsi pour l'exclusion de Bachar al-Assad d'une solution politique au conflit.

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