Le Conseil constitutionnel va devoir, sur demande du négationniste Vincent Reynouard, se prononcer sur la conformité de la loi réprimant la contestation des crimes contre l'Humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Si la loi devait être censurée par les Sages et l'incrimination supprimée, l'avocat de l'UEJF (Union des étudiants juifs de France), Me Stéphane Lilti, craindrait une "libération de la parole négationniste".
Dans une décision rendue mardi, la Cour de cassation a jugé sérieuse la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur l'article 24 bis de la loi sur la presse, en ce qu'elle "est susceptible de créer une inégalité devant la loi et la justice".
Elle a été soulevée par Vincent Reynouard, 46 ans, bien connu des néo-nazis en France et à l'étranger, qui a déjà purgé un total de deux ans de prison dans le passé.
Il avait notamment été condamné à un an de prison et 10.000 euros d'amende en 2007 pour la diffusion d'une brochure contestant l'Holocauste.
Début 2014, il avait posté une vidéo de 45 minutes sur un site d'extrême droite, dans laquelle il s'insurgeait contre la "propagande" diffusée selon lui à l'occasion du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie.
Condamné pour cela le 17 juin dernier à un an de prison par la cour d'appel de Caen, il avait formé un pourvoi en cassation contre cette décision, et une QPC.
Il y soutient en substance qu'en n'incriminant que la négation de certains crimes contre l'Humanité, la loi introduit une discrimination injustifiée entre les victimes de ces crimes.
- Tribunal de Nuremberg -
Introduit par la loi Gayssot du 13 juillet 1990, l'article 24 bis fait référence aux crimes contre l'Humanité définis par le statut du tribunal militaire international de Nuremberg.
Cet article avait déjà fait l'objet de cinq QPC, sur d'autres fondements, qui ont toutes été rejetées par la Cour de cassation.
Reconnus par la France comme crimes contre l'Humanité, en l'état actuel du droit, l'apologie de la traite négrière et la négation du génocide arménien ne sont pas sanctionnées.
En février 2012, le Conseil constitutionnel a censuré une loi pénalisant la négation du génocide arménien, estimant "qu'en réprimant la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication".
Mais dans cette décision, selon Christophe Bigot, les Sages ont "déjà anticipé en creux" et n'apporteront pas nécessairement la même réponse à la question, car dans la loi Gayssot, les crimes contre l'Humanité sont définis par référence au statut du tribunal de Nuremberg, et non par le législateur.
Récemment, des poursuites pour contestation de crime contre l'Humanité contre le négationniste Robert Faurisson ont été déclarées nulles pour des raisons de procédure.
L'ancien président d'honneur du Front National Jean-Marie Le Pen doit quant à lui être jugé en début d'année prochaine pour avoir réitéré ses propos sur les chambres à gaz, "détail" selon lui de l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale.