Les juges qui ont accordé un non-lieu au prêtre rwandais Wenceslas Munyeshyaka ont estimé que sa passivité face aux massacres en 1994 au Rwanda ne pouvait suffire à ordonner son renvoi devant la cour d'assises pour génocide, selon leur ordonnance consultée mercredi par l'AFP.
Ce non-lieu, signé vendredi et conforme aux réquisitions du parquet, a fortement déçu les parties civiles et la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a fait appel.
L'ambassadeur du Rwanda à Paris, Jacques Kabale, a également pris acte "avec la plus grande déception" de cette décision, tout en déplorant "la lenteur exceptionnelle" de la procédure, selon un communiqué publié mercredi.
L'enquête avait démarré dès les premières plaintes en 1995 en France, où s'était installé le prêtre, et le dossier avait été repris par les juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité, créé en 2012.
Avec une question centrale, celle de sa responsabilité dans les attaques meurtrières de la paroisse Sainte-Famille dont Wenceslas Munyeshyaka avait la responsabilité à Kigali et où des milliers de civils tutsi s'étaient réfugiés durant le génocide, entre avril et juillet 1994.
Dans une procédure reposant pour l'essentiel sur des témoignages, l'accusation la plus fréquente "était son absence de réaction lors de ces exactions", tueries ou enlèvements, alors que "peu de témoins rapportaient une contribution active du mis en examen" aux intrusions meurtrières des miliciens hutu.
Selon les juges, "le plus grand nombre" de témoins "décrivait une attitude se limitant à entamer une discussion avec les attaquants puis à disparaître abandonnant les réfugiés à leur sort ou à assister passivement aux faits".
Les juges mettent cette passivité en parallèle avec les actes d'un autre religieux de la paroisse, "qui s'opposait publiquement aux actions de la milice". "Mais force était de constater" que cet autre religieux "n'était pas toujours parvenu à empêcher les miliciens d'agir".
Pour plusieurs témoins, "il était très difficile voire impossible de s'opposer aux Interahamwe", les miliciens hutu.
Selon les magistrats, l'enquête n'a pas démontré que les "relations amicales" du père Wenceslas "avec des autorités militaires ou des miliciens (...) lui conférait une position d'autorité, en terme de pouvoir, contrôle ou même d'influence vis-à-vis de la milice et des autorités officielles impliquées dans les massacres".
Les juges relèvent aussi que des témoignages ont varié au fil des années et qu'"un certain nombre" de témoins ont attesté "des actions entreprises par Wenceslas Munyeshyaka pour protéger les réfugiés tutsi et les faire échapper au sort que leur réservait la milice".
Dans son communiqué, l'ambassadeur rwandais "constate avec regret qu'à ce jour, vingt et un ans après le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, aucune poursuite introduite en France à l'encontre de personnes soupçonnées d'y avoir participé n'a abouti à un résultat définitif".
Dans le premier dossier jugé à Paris en 2014, l'ex-officier de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle mais il a fait appel. Attendu en 2016, le second procès vise deux anciens bourgmestres, Tito Barahira et Octavien Ngenzi.