En Centrafrique, la nouvelle qui circulait déjà la veille est officielle depuis le vendredi 09 octobre. Le président de l’Autorité nationale des élections (ANE) Dieudonné Kombo – Yaya a jeté l’éponge. Sa démission suit celle du vice-président Godefroy Mokamanédé qui avait tiré sa révérence en août dernier.
En annonçant son départ, celui qu’on appelait à Bangui « Monsieur Elections » a tenu à prendre l’opinion à témoin. « Il est impossible, pour des raisons techniques, de tenir les élections avant la fin de l'année », –t-il expliqué, sur une chaîne internationale, selon Radio Ndeke Luka.
Cette démission vient alimenter un débat ayant déjà déchaîné des passions sur le réalisme ou non du calendrier électoral que les autorités de transition, sous la pression de leurs partenaires internationaux, ont peur de remettre en question.
Le 16 juin, les principaux partenaires de la République centrafricaine (France, Union européenne, États-Unis et Union africaine) avaient approuvé le calendrier proposé par le comité stratégique de suivi des élections. Ce dernier fixait les législatives et la présidentielle au 18 octobre, avec un éventuel second tour le 22 novembre. Avant cela, un référendum constitutionnel devait se tenir le 4 octobre.
Mais force était de constater, à la veille de la date prévue pour le referendum, que le recensement électoral ouvert en juillet n'était toujours pas terminé, notamment dans les zones encore sous la loi de milices. Par ailleurs, même si le recensement électoral des Centrafricains réfugiés dans les pays voisins était achevé pour l'essentiel, l'ANE n'avait pas encore publié le fichier électoral complet. Les Centrafricains ayant fui leur pays suite à la crise aiguë que traverse leur pays depuis deux ans ont été autorisés à voter, quasi in extremis, en août dernier, au terme d'un débat passionné.
« Je ne veux pas faire partie d’un processus bâclé »
Dans ces conditions, le président de l'ANE, Dieudonné Kombo- Yaya, bien conscient que la communauté internationale qui porte son pays à bout de bras tenait à la tenue des élections avant la fin de l'année, s'était timidement prononcé en faveur d'un « glissement du calendrier électoral ». Il avait respectueusement évité le terme « report » désormais brandi par de grands noms de la classe politique et de la société civile centrafricaines mais que la France et les Nations unies ne voulaient surtout pas entendre.
« Je suis un homme de principe et je ne veux pas faire partie d'un processus bâclé », a-t-il finalement lâché jeudi, las des « pressions politiques » imposant à son institution « un chronogramme irréalisable ».
La démission de Kombo-Yaya a été accueillie comme une aubaine par les organisateurs du mouvement de contestation « Temps de Béafrika » qui exige depuis la fin du mois dernier le report des élections et le départ de la présidente de transition Catherine Samba-Panza.
« Aujourd'hui, avec cette démission, nous avons la preuve que le mouvement Temps de Béafrika avait raison et n'était que le portevoix de l'aspiration du peuple centrafricain puisque nous avions dit que la redéfinition d'un nouveau calendrier électoral par l'ANE et l'engagement de tous les acteurs politiques à le respecter était nécessaire », s’est réjoui l’un des porte-parole du mouvement, Junior Mescheba, cité par Radio Ndeke Luka. « Une fois de plus, nous disons aux acteurs de la société civile, aux acteurs politiques, au gouvernement, à la communauté internationale et à l'ANE de tout mettre en œuvre pour qu'on puisse se retrouver pour la redéfinition de ce nouveau calendrier électoral », a-t-il ajouté.
Sur le plan organisationnel, le départ de Kombo-Yaya ne devrait cependant handicaper outre-mesure l’Autorité nationale des élections. En effet, alors que le président de l’ANE remettait officiellement sa démission vendredi, un nouveau membre de l’institution nommé pour remplacer l’ancien vice-président Godefroy Mokamanédé, prêtait serment. Ainsi donc, comme si le gouvernement avait tout calculé, l’ANE n’est pas décapitée et peut toujours fonctionner normalement.
Les partenaires internationaux « prennent acte » de la démission
Dans un communiqué, le Groupe de coordination pour la préparation et le suivi des réunions du Groupe international de contact sur la République centrafricaine (G8-RCA), loin de déplorer ce départ, « prend acte de cette décision qui intervient au moment où le processus électoral de Transition, après plusieurs mois d’immobilisme, a été mis sur les rails par les efforts conjugués des Autorités de la Transition et des partenaires ». Il « note également avec satisfaction la détermination de la population centrafricaine à aller aux élections dans les meilleurs délais, pour un retour urgent de l’ordre constitutionnel, comme en témoigne le chiffre d’un 1. 800. 000 (de Centrafricains) inscrits sur la liste électorale ».
La démission Kombo -Yaya a coïncidé avec la réception de 13.350 urnes à l’aéroport de Bangui. « Malgré la décision du président de l'ANE, les activités vont se poursuivre. Avec l'arrivée de ces urnes, c'est une preuve de plus que notre détermination est totale pour aller aux élections », a commenté Julius Ngoadébaba, responsable de la commission logistique de l'ANE.
Jeudi, alors que la nouvelle du départ du président de l’ANE était dans l’air, le Conseil national de transition (CNT, parlement provisoire) avait débattu, entre autres sujets, du calendrier électoral. Selon RFI, un nouveau chronogramme, qui n'est pas encore public avance deux dates : le 27 décembre pour le premier tour de la présidentielle et le 11 février pour le second tour. Mais de nombreux députés ayant participé aux discussions de jeudi trouvent le report insuffisant, selon la radio française.