Conflit forestier en RDC : cinq soldats et policiers condamnés pour des bavures

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Cinq policiers et soldats congolais ont été condamnés à des peines de 2 à 3 ans de prison pour des bavures commises en 2011 contre des villageois révoltés contre une entreprise forestière en République démocratique du Congo, a-t-on appris mardi de sources concordantes.

Le jugement, rendu lundi soir par la cour militaire de Mbandaka (700 km au nord-est de Kinshasa), a dédouané la Société industrielle et forestière du Congo (Siforco) qui était accusée par les parties civiles dans cette affaire emblématique de la difficile cohabitation entre exploitants forestiers et communautés locales en RDC.

Le tribunal a condamné les cinq prévenus (un sixième est mort pendant le procès), tous officiers ou sous-officiers, pour "tortures et refus de dénoncer les faits" a déclaré à l'AFP le commissaire principal Nestor Bongoya, défenseur des prévenus.

Les prévenus étaient jugés pour crimes contre l'humanité, tortures et viols dans une affaire de bavures perpétrées le 2 mai 2011 au cours d'une opération des forces de l'ordre à Yalisika, village riverain d'une exploitation de la Siforco, dans le nord de la province de l'Équateur.

La cour "a innocenté Siforco", a déclaré à l'AFP Me Pierre Okendembo, avocat de cette entreprise, confirmant le verdict à l'encontre des cinq prévenus.

Le 2 mai 2011, la force publique était intervenue à Yalisika pour ramener l'ordre après un différend entre la population locale et la Siforco. Celle-ci était accusée par les habitants de ne pas s'être acquittée de ses obligations sociales à leur égard.

L'organisation environnementaliste Greenpeace, et les ONG Global Witness et Avocats sans frontières (ASF), ont accusé la Siforco, à l'époque filiale du groupe forestier allemand Danzer, d'avoir fourni un camion et un chauffeur aux agents responsables des violences commises ce jour-là.

Siforco, aujourd'hui filiale du Groupe Blatner Elwyn, présent essentiellement au Congo, dément totalement cette version des faits, affirmant que certains de ses véhicules avaient été "réquisitionnés par les forces de sécurité" et que les violences commises à Yalisika n'étaient "pas de son fait".

Selon l'entreprise, qui se présente comme le premier producteur de grumes en RDC, l'opération de police a été décidée par les autorités de l'Équateur pour ramener l'ordre après une attaque de villageois contre des installations de Siforco s'étant soldée par la prise en otage d'employés et du vol de matériel.

Selon le commissaire principal Bongoya, les prévenus ont bénéficié "de très larges circonstances atténuantes compte tenu du comportement violent de la population de Yalisika" et du fait que les forces de l'ordre "n'ont pas tiré".

Dans un communiqué, Siforco s'est félicitée "qu'une justice libre et indépendante ait été rendue" et a dénoncé "une vaste campagne d'acharnement et de diffamation pour des raisons mercantiles et idéologiques" à son encontre par "certaines ONG (qui) veulent mettre sous cloche la forêt congolaise".

"Ce procès n'était (...) pas dirigé contre les industries qui investissent dans le pays", a réagit ASF, dans un communiqué, estimant que l'exploitation forestière est un des éléments du "développement économique" de la RDC.

"Mais ce développement doit se faire dans le plein respect des droits des populations. Malheureusement, le jugement d'aujourd'hui ne parvient pas à l'affirmer. C'est un rendez-vous manqué", ajoute le texte.

Grande comme cinq fois la France, la RDC abrite plus de 60% des forêts denses du Bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical de la planète après l'Amazonie.