Un texte controversé prévoyant de durcir la législation sur les ONG recevant des fonds de l'étranger a été adopté dimanche en Israël en conseil des ministres, une initiative dénoncée par les organisations de gauche comme une chasse aux sorcières.
Ce texte prévoit d'obliger les ONG israéliennes recevant au moins 50% de leurs fonds de la part d'"entités étatiques à l'étranger" à mentionner l'identité et l'adresse de leurs donateurs dans leurs déclarations financières aux organismes publics israéliens.
Il impose également aux membres de ces ONG de porter des badges spéciaux les identifiant lorsqu'ils se présenteront devant des comités parlementaires, comme c'est déjà le cas pour les membres de lobbies.
"C'est une avancée préoccupante dans les efforts de la droite pour délégitimer ces organisations et les réduire au silence", affirmait dans son éditorial le quotidien Haaretz, proche du centre gauche. Le projet, porté par la ministre de la Justice Ayelet Shaked, étoile montante de la droite nationaliste religieuse, "porte un rude coup à la liberté d'expression", estime le journal.
Le projet de loi doit encore être soumis au Parlement en trois lectures avant d'être définitivement adopté.
Lors de la publication du texte, Mme Shaked l'a justifié en affirmant que "les interférences flagrantes de gouvernements étrangers dans les affaires internes israéliennes sont nombreuses et sans précédent".
Elle a notamment pris comme exemple une enquête de l'ONU sur la guerre de l'été 2014 qui a conclu à de possibles crimes de guerre d'Israël dans la bande de Gaza. Selon la ministre, les Nations unies se sont basées sur des preuves recueillies par B'Tselem, Adalah et Breaking the Silence, des ONG israéliennes qui reçoivent des fonds étrangers.
"Nous demandons aux Etats qui souhaitent intervenir dans les affaires internes d'Israël de le faire publiquement par la voie diplomatique", a affirmé dimanche la ministre dans un communiqué.
Le chef de son parti Foyer juif, le ministre de l'Education Naftali Bennett, a interdit mi-décembre aux anciens soldats de Breaking the Silence, une organisation pacifiste qui dénonce les exactions de l'armée israélienne dans les Territoires palestiniens occupés, de témoigner dans les écoles au motif qu'ils répandent des "mensonges".
Cette ONG a été fondée par d'anciens militaires qui témoignent d'abus auxquels ils ont assisté ou pris part dans le cadre de leur service militaire dans les territoires palestiniens occupés.
Nombre d'ONG israéliennes de gauche reçoivent une part importante de leur financement de gouvernements occidentaux. Cinq d'entre elles ont récemment déclaré à l'AFP se sentir visées par l'actuel gouvernement de droite en raison de leurs critiques envers la politique gouvernementale.
Les ONG de droite, elles, préfèrent chercher leur financement auprès de particuliers, souvent à l'extérieur d'Israël aussi, mais ne sont donc pas concernées par les restrictions proposées.
Pour l'opposant Isaac Herzog, avec l'adoption de ce texte, Israël "se tire une balle dans le pied" par rapport aux standards internationaux.
L'ONG israélienne Peace Now a qualifié ce texte de "crime odieux contre la démocratie", soutenant qu'il n'avait "rien à voir avec la transparence et tout à avoir avec la délégitimation des organisations qui critiquent les politiques gouvernementales".
L'ONG a également appelé la ministre Shaked à "promouvoir une législation qui oblige les ONG de droite à rendre publics les millions qu'elles reçoivent de donateurs privés à l'étranger et du budget de l'Etat".