Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 octobre 2015 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Ces dispositions répriment pénalement la contestation de l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité, tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, dès lors qu'ils ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.
Le requérant soutenait que ces dispositions portent atteinte, d'une part, au principe d'égalité devant la loi pénale, dès lors que la négation des crimes contre l'humanité autres que ceux qu'elles mentionnent n'est pas pénalement réprimée et, d'autre part, aux libertés d'expression et d'opinion. Le Conseil constitutionnel a rejeté ces griefs et déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution.
En ce qui concerne les libertés d'expression et d'opinion, le Conseil constitutionnel a d'abord jugé que les propos contestant l'existence de faits commis durant la seconde guerre mondiale qualifiés de crimes contre l'humanité et sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale constituent en eux-mêmes une incitation au racisme et à l'antisémitisme. Par suite, les dispositions contestées ont pour objet de réprimer un abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui porte atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Le Conseil constitutionnel a ensuite relevé que les dispositions contestées visent à lutter contre certaines manifestations particulièrement graves d'antisémitisme et de haine raciale. Le Conseil a également relevé que seule la négation, implicite ou explicite, ou la minoration outrancière de ces crimes est prohibée et que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les débats historiques. Le Conseil constitutionnel en a déduit qu'ainsi, l'atteinte à l'exercice de la liberté d'expression qui en résulte est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Il a, par suite, écarté le grief tiré de l'atteinte à cette liberté et à la liberté d'opinion.
En ce qui concerne le principe d'égalité devant la loi pénale, le Conseil constitutionnel a relevé que, d'une part, la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une décision d'une juridiction française ou internationale reconnue par la France se différencie de la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une juridiction autre ou par la loi. D'autre part, la négation des crimes contre l'humanité commis durant la seconde guerre mondiale, en partie sur le territoire national, a par elle-même une portée raciste et antisémite. Ainsi, en réprimant pénalement la seule contestation des crimes contre l'humanité commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, le législateur a traité différemment des agissements de nature différente. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi du 13 juillet 1990, dite « loi Gayssot », qui a institué l'incrimination contestée et qui visait à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe et il a, en conséquence, écarté le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale.