Un tribunal spécial, chargé de se pencher sur des crimes de guerre présumés commis par des membres de la guérilla indépendantiste kosovare albanaise (UCK) pendant et après le conflit serbo-kosovar, doit ouvrir ses portes cette année à La Haye, a annoncé vendredi le gouvernement néerlandais. Une information donnée en octobre par Justiceinfo.net..
Cette instance examinera "les accusations de crimes graves présumés commis en 1999-2000 par les membres de l'Armée de libération du Kosovo contre des minorités ethniques et des opposants politiques", a indiqué le ministère néerlandais des Affaires étrangères dans un communiqué.
Ce tribunal de droit kosovar sera composé de juges internationaux et installé, à terme, dans les anciens bâtiments de l'Office européen des polices, Europol, à La Haye.
"Cette décision est le résultats de négociations menées avec le gouvernement néerlandais", a indiqué à l'AFP Ardian Arifaj, conseiller politique du ministre kosovar des Affaires étrangères : "nous nous y attendions vu que nous nous sommes mis d'accord avec les Néerlandais".
En 1998-1999, le Kosovo était une province du sud de la Serbie où les forces de Belgrade affrontent une guérilla indépendantiste albanaise. L'Otan intervient en 1999, forçant les Serbes à se retirer du territoire après une campagne de bombardements de 11 semaines.
Pristina subit une pression internationale pour créer un tel tribunal depuis la publication en 2011 d'un rapport du Conseil de l'Europe sur les exactions présumées commises par des membres de l'UCK sur quelque 500 prisonniers serbes et roms pendant la guerre.
Ce "rapport Marty" évoquait notamment des exécutions sommaires, des enlèvements et un trafic d'organes, prélevés sur des victimes. Il mettait en cause l'ex-chef de la guérilla et actuel ministre des Affaires étrangères kosovar Hashim Thaçi, accusations que l'intéressé a vivement démenti.
-"Des héros"-
"Il s'agit d'une question sensible au Kosovo", a affirmé dans son communiqué le gouvernement néerlandais. "Des possibles suspects peuvent être considérés par certains groupes de la société kosovare comme des combattants pour la liberté et les témoins pourraient se sentir menacés dans le pays".
"C'est pourquoi l'option de tenir des procès en dehors du pays a été explorée", a souligné La Haye, soulignant que le tribunal est parrainé et financé par l'UE.
Un vote au parlement à Pristina sur le sujet avait été boycotté en août par l'opposition: les anciens combattants de l'UCK sont toujours considérés comme des héros par la plupart des Albanais du Kosovo, qui compte 1,8 million d'habitants.
En juin, un millier de personnes avaient manifesté dans les rues de la capitale, scandant "UCK, UCK" et "non à l'injustice".
Onze ex-membres de l'UCK avaient été condamnés fin mai à des peines allant jusqu'à 12 ans de prison pour des crimes de guerre commis pendant ce conflit de 1998-99.
Auparavant, plusieurs personnes impliquées dans le conflit ont été jugées par le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), également basé à La Haye.
Vlastimir Dordevic, ancien ministre adjoint du ministère de l'Intérieur serbe et chef de la sécurité publique, avait notamment été condamné en appel en janvier 2014 à 18 ans de prison.
L'ancien Premier ministre kosovar Ramush Haradinaj, ancien commandant de l'UCK, avait, lui, été acquitté de crimes de guerre par le TPIY. Il est aujourd'hui président d'un parti de l'opposition et député.
Mais le TPIY, qui termine son mandat, n'ouvre plus de nouvelles enquêtes.
La majorité albanaise au Kosovo avait proclamé son indépendance de la Serbie en 2008, conséquence ultime du conflit de 1998-99.
Cette indépendance a été reconnue par une centaine de pays, dont les États-Unis et la majorité des pays membres de l'Union européenne, mais la Serbie, soutenue par la Russie, s'y oppose fermement et considère toujours ce territoire comme sa province méridionale.
L'accord entre les Pays-Bas et le Kosovo sur ce tribunal doit encore être approuvé par les parlements respectifs des deux pays.