Après sa comparution initiale le 26 janvier 2015, Dominic Ongwen, l'un des chefs de la redoutable Armée de résistance du Seigneur (LRA) sera à nouveau devant la Cour pénale internationale (CPI) du jeudi 21 au mercredi 27 janvier.
Au cours de cette « audience de confirmation des charges », la chambre préliminaire, sans entrer dans le fond de l'affaire, entendra les arguments de l'accusation pour pouvoir déterminer, par la suite, s'il y a ou non des motifs substantiels de croire que le suspect a commis les crimes qui lui sont imputés. La défense aura aussi le droit de faire valoir des contre-arguments.
Si la chambre préliminaire décide de confirmer les charges, elle renverra l'affaire devant une chambre de première instance, laquelle sera chargée de conduire la phase suivante de la procédure : le procès proprement dit.
Agé d'environ 40 ans, Dominic Ongwen est le premier chef de la LRA à comparaître devant la CPI. Dirigé par le tristement célèbre Joseph Kony, lui-même recherché par la CPI, ce mouvement rebelle ougandais, né dans les années 1980, a signé les crimes les plus atroces non seulement dans le nord de l'Ouganda, mais aussi dans le sud du Soudan, en République démocratique du Congo (RDC) et en Centrafrique.
Dans tous ces pays, la LRA s'est illustrée notamment par des mutilations et des massacres de civils, des enlèvements d'enfants transformés en soldats ou en esclaves. Mais Ongwen, écroué à La Haye, après sa reddition en janvier 2015, en Centrafrique, auprès des forces spéciales américaines, ne fait l’objet de poursuites devant la CPI que pour les crimes commis dans son pays.
Enlevé alors qu’il rentrait de l’école
Le suspect lui-même, fut d'abord victime de la LRA, dont il gravit ensuite les échelons pour en devenir l'un des chefs les plus redoutés. Enlevé par la LRA à l'âge de 8 ou 10 ans alors qu'il rentrait de l'école, il commandait au moment sa reddition, la brigade Sinia, l'une des quatre brigades de la LRA, et était présenté comme l’un des plus proches collaborateurs de Joseph Kony. Selon le Conseil canadien du droit des enfants, Dominic Ongwen était le plus «courageux, loyal et brutal» des lieutenants de Joseph Kony.
Selon l'ONU, la rébellion de la LRA a tué depuis sa création plus de 100 000 personnes dans cette partie de l’Afrique et enlevé plus de 60 000 enfants.
L'accusation veut poursuivre Dominic Ongwen pour crimes contre l'humanité (meurtre, réduction en esclavage, actes inhumains causant de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique) et crimes de guerre (meurtre, traitements cruels à l'encontre de civils, fait de diriger intentionnellement une attaque contre une population civile, pillage).
Des allégations que la défense entend rejeter dès cette audience de confirmation des charges. « Nous avons mené des enquêtes approfondies et nous pensons que notre client a été injustement mis en accusation », soutient son avocat Ayena Odongo cité par le journal ougandais The Monitor.
Les victimes pourront suivre l’audience
Le 10 septembre 2015, des juges de la CPI avaient recommandé que « l'audience de confirmation des charges » se tienne en Ouganda, dans un but pédagogique. Mais le 28 octobre, la Présidence de la CPI, après avoir notamment consulté les autorités ougandaises, a décidé que cette phase se déroule au siège de la Cour, à La Haye, aux Pays- Bas. La Présidence a notamment relevé la possibilité, exprimée par l'Ouganda lui-même, d'une montée des tensions politiques au cours de la période électorale en cours. La campagne bat actuellement son plein pour les élections générales de février prochain en Ouganda, ce qui d'ailleurs relègue au second plan la procédure engagée contre Ongwen. Des raisons d'ordre financier ont également pesé lourd dans la balance, la Présidence estimant que la délocalisation de l'audience aurait un impact significatif sur les ressources de la Cour qui se préparait alors à emménager en décembre dans ses locaux permanents.
L'audience du 21 au 27 janvier sera cependant relayée en direct par les télévisions et radios locales ougandaises. Victimes et témoins de la LRA pourront ainsi, depuis les lieux des massacres, suivre le déroulement de cette procédure préliminaire.
Evelyn Amony, une des anciennes femmes de Joseph Kony, a confié au journal ougandais le Monitor qu'elle était impatiente de suivre la procédure, en tant que personne ayant souffert des atrocités de la LRA. Elle a estimé, selon le journal, que le fait de suivre la procédure participera au processus de guérison pour les personnes ayant souffert entre les mains des rebelles de la LRA.
Quatre autres chefs de la LRA, dont Joseph Kony et son adjoint présumé Vincent Otti, étaient recherchés par la CPI depuis 2005, mais deux d’entre eux, Okot Odhiambo et Raska Lukwiya, sont décédés, selon la Cour qui a ainsi mis fin aux procédures les concernant.