Le Pakistan sous le choc après une attaque meurtrière dans une université

3 min 1Temps de lecture approximatif

Au moins 21 personnes ont été tuées mercredi dans l'attaque d'une université du nord-ouest du Pakistan revendiquée par une faction talibane, provoquant l'émoi dans le pays un an après un massacre dans une école de la même région.

Quatre hommes, armés de fusils d'assaut et de grenades, ont profité de l'épais brouillard qui enveloppait l'université de Bacha Khan à Charsadda, à une cinquantaine de kilomètres de Peshawar, pour escalader un mur d'enceinte et lancer leur assaut sur le campus en début de matinée.

Des témoins ont fait état de tirs et de deux fortes explosions, tandis que des dizaines d'étudiants paniqués fuyaient en courant le lieu de l'attaque, selon des images diffusées par les télévisions locales.

"Les terroristes ont profité du brouillard" et d'une visibilité "de moins d'une dizaine de mètres", a expliqué à la presse le chef de la police régionale, Saeed Wazir.

"Nous avons soudainement entendu des tirs. Les terroristes sont allés directement à la résidence pour garçons. Je pense que c'était leur objectif", a déclaré à l'AFP Muhammad Daud, un étudiant en sociologie de 22 ans.

Alertées, les forces de l'ordre ont bouclé la zone, où ont été déployées les forces spéciales, l'armée et la police, avec blindés, ambulances et hélicoptères.

Les opérations ont duré jusqu'à la mi-journée, avec un bilan de 21 morts, dont 17 étudiants, deux jardiniers, un professeur et un gardien, selon Pir Shahab, procureur en chef de Charsadda. Les quatre assaillants tués ne font pas partie du décompte.

Un porte-parole de l'armée, le lieutenant général Asim Bajwa, a de son côté déclaré à la presse à Peshawar que 18 étudiants et deux employés avaient été tués, soit un bilan de 20 morts.

Dans l'une des résidences pour étudiants, impacts de balles sur les murs, mares de sang sur le sol et portes défoncées témoignaient de la violence de l'attaque, ont indiqué des journalistes de l'AFP.

Deux des assaillants étaient des adolescents et les deux autres avaient une vingtaine d'années, a indiqué un haut responsable de sécurité.

Le porte-parole de l'armée a indiqué que deux téléphones portables avaient été retrouvés, et avaient déjà permis d'obtenir des renseignements sur les assaillants. Les cartes sim étaient afghanes, a-t-il dit.

- Talibans contre talibans -

Une faction talibane pakistanaise du Tehreek-e-Taliban Pakistani (TTP) a revendiqué l'assaut, avant d'être désavouée par la principale composante du mouvement.

"Nos quatre kamikazes ont mené l'attaque contre l'université de Bacha Khan aujourd'hui", a déclaré par téléphone à l'AFP un de ses commandants, Umar Mansoor, soupçonné d'être également le cerveau de l'attaque contre une école de Peshawar en 2014.

Ce chef rebelle fait partie d'une faction du TTP répondant au nom de Hakimullah Mehsud, en référence à un commandant taliban tué par un drone américain en novembre 2013.

"Cette attaque a été lancée en représailles à l'opération Zarb-e-Azb", vaste offensive antiterroriste actuellement menée par l'armée dans les zones tribales du nord-ouest frontalières de l'Afghanistan, a-t-il indiqué.

Mais un autre porte-parole du TTP, Muhammad Khurasani, a contredit cette affirmation et annoncé que les auteurs de cette attaque seraient poursuivis et jugés au nom de la charia (loi islamique).

"Le TTP condamne fortement l'attaque aujourd'hui et se dissocie totalement de cette attaque non islamique", a-t-il tweeté.

- Journée de deuil -

L'attentat a été condamné par le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, par son homologue indien Narendra Modi, ainsi que par la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini et l'ambassadeur américain au Pakistan, David Hale.

Le département d'Etat américain a relevé dans un communiqué qu'en s'en prenant à des étudiants, les terroristes prenaient une nouvelle fois pour cible "les générations d'avenir du Pakistan".

L'attaque rappelle le pire attentat du pays, perpétré il y a un peu plus d'un an dans une école de Peshawar par des talibans qui avaient massacré de sang froid plus de 150 personnes, en majorité des écoliers.

Une journée nationale de deuil aura lieu jeudi, a indiqué le gouvernement.

Des manifestations spontanées d'émotion ont été signalées dans plusieurs villes du Pakistan: à Karachi (sud) ou à Quetta (sud-ouest).

Des étudiants ont rendu hommage à un jeune enseignant, Syed Hamid Hussain, qui a tenté de s'interposer arme à la main pour protéger ses élèves avant d'être abattu.

"Il avait un pistolet à la main, j'ai vu une balle l'atteindre, deux assaillants tiraient de tous les côtés", a raconté à l'AFP un étudiant, Zahoor Ahmed.

L'attaque est "potentiellement un crime de guerre", a estimé l'organisation Amnesty International.

shk-ks-st-ahe/cel/lpt