Charles Blé Goudé est un des membres les plus controversés du clan Gbagbo: surnommé le "général des rues" pour sa capacité à mobiliser les partisans de l'ex-président ivoirien, il comparaît avec son mentor devant la CPI pour crimes contre l'humanité.
Ses détracteurs et les ONG internationales le considèrent comme un de ceux qui ont le plus contribué aux violences qui ont fait plus de 3.000 morts lors de la crise postélectorale entre décembre 2010 et avril 2011.
A 44 ans le 1er février, l'ex-chef des "Jeunes patriotes", un mouvement pro-Gbagbo extrêmement violent, a gravité une décennie durant autour de son président, multipliant les coups d'éclat. Ses bêtes noires : l'actuel président ivoirien Alassane Ouattara, la France et l'ONU.
Cet ancien étudiant en anglais, d'ethnie bété, comme Laurent Gbagbo, crève l'écran en 2002, à la faveur du coup d'Etat manqué contre son maître.
La Côte d'Ivoire se retrouve alors coupée en deux, entre un Nord tenu selon lui par "les traîtres" d'une rébellion favorable à M. Ouattara et un Sud contrôlé par le régime Gbagbo.
"Il a un tel charisme qu'il devient un porte-parole de la rue. Laurent Gbagbo le remarque" rapidement, se souvient un observateur de l'époque.
En compagnie d'une bande d'amis, il crée "la galaxie patriotique", résolue à défendre le président contre les rebelles et le "néo-colonialisme" français. L'ambassadeur de France d'alors le traite ouvertement de "petit fasciste". Le Cojep, Congrès panafricain des jeunes patriotes, qu'il a fondé en 2001, est le fer de lance de violentes manifestations antifrançaises.
Il réussit notamment à mobiliser en novembre 2004 des dizaines de milliers de personnes dans les rues d'Abidjan, après que l'armée française, victime d'un bombardement ayant tué neuf de ses hommes, eut en représailles détruit l'aviation ivoirienne.
"Si tu es en train de manger, laisse tout tomber, lance Blé Goudé. La Côte d'Ivoire n'est pas un département français".
Les affrontements consécutifs entre soldats français et manifestants ivoiriens feront une cinquantaine de morts ivoiriens.
Les "Jeunes patriotes", que Blé Goudé mobilisait à souhait pour des manifestations ou mettre la pression, ont été à la pointe du combat pro-Gbagbo pendant la décennie 2002-2011.
Il est en quelque sorte le pendant de Guillaume Soro, actuel président de l'Assemblée nationale, qui était à l'époque le porte-parole de la rébellion qui contrôlait la moitié nord du pays.
En 2006, l'ONU, qu'il qualifie de "forces d'occupation", lui interdit de voyager à l'étranger et gèle ses avoirs financiers.
- 'Donné des consignes' -
En 2007, il devient apôtre de la paix et appelle à "tendre la main à l'ennemi d'hier". Trois ans plus tard, Laurent Gbagbo, qui refuse de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010, le nomme ministre de la Jeunesse.
Ce tribun, connu pour ses éternelles casquettes, ses habits décontractés et le drapeau ivoirien qu'il porte toujours autour du cou, apparaît en costume aux cravates flamboyantes.
Il invoque Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela mais accuse le président français Nicolas Sarkozy et l'ONU de "préparer un génocide" dans son pays.
A la chute de son mentor, et après cinq mois de violences qui ont fait plus de 3.000 morts, il s'enfuit au Ghana, d'où il dénonce les dérives "dictatoriales" d'Alassane Ouattara.
En novembre 2011, il qualifie Laurent Gbagbo de "victime que l'on tente de présenter comme le bourreau" quand celui-ci est livré à la Cour pénale internationale. Un an plus tard, il est arrêté au Ghana.
La CPI le soupçonne de quatre chefs d'accusation de crimes contre l'humanité - meurtre, viol, persécution et autres actes inhumains -, commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
"Je connais l'homme. Je sais qu'il n'a commis aucun crime contre l'humanité. Il n'a jamais pris d'armes. Il a juste donné un certain nombre de consignes en tant que communicateur. Il était suivi", le défend Laurent Akoun, secrétaire-général du FPI, le parti pro-Gbagbo.
"Il n'a fait que prôner la haine", répond Joël N'Guessan, le porte-parole du RDR, le parti du président Ouattara, pour qui Charles Blé Goudé a "franchi le Rubicon" en "incitant à la révolte, à la haine, à l'assassinat".