"Libérez le président Gbagbo!", scandent en coeur des centaines de partisans de l'ancien président ivoirien, dont le procès devant la Cour pénale internationale s'est ouvert jeudi : ils sont venus soutenir un homme "kidnappé", victime d'un "complot fomenté par la France".
Arborant des chapeaux, pulls ou perruques extravagantes aux couleurs ivoiriennes (orange, blanc et vert), ils étaient environ 300, selon la police, plus de 1.000 selon les participants, rassemblés sur un parking à l'arrière de la Cour, qui siège à La Haye.
L'ex-président ivoirien, 70 ans, est accusé d'avoir fomenté une campagne de violences pour tenter, en vain, de rester au pouvoir après une défaite électorale. Charles Blé Goudé, 44 ans, aurait, lui, été à la tête d'hommes ayant tué et violé des centaines de personnes dans le but de maintenir l'ex-chef de l'État en fonction.
Sur un gilet jaune fluo portés par de nombreux manifestants, une photo de Laurent Gbagbo et de son co-accusé, son éphémère ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé.
"Procès de la honte! Tous à La Haye le 28 janvier 2016", est inscrit en grandes lettres blanches.
"C'est un procès de la honte, car notre président a été élu de manière démocratique avant d'être expulsé du pouvoir par les armes, par les rebelles de Ouattara", s'exclame Colacicco, 58 ans.
Les partisans, venus par cars entiers depuis la France, la Belgique ou la Suisse, ont chanté, dansé et crié pour leur président, victime, selon eux, d'un "complot" mené par la France, ex puissance coloniale, pour s'emparer des richesses du pays.
Le gouvernement français de l'époque "a concocté la chute du président Gbagbo", assure notamment Eric, venu de Paris.
Après une présidentielle controversée qui a vu fin 2010 la victoire d'Alassane Ouattara, cinq mois de violences avaient fait plus de 3.000 morts, transformant certaines zones du premier producteur mondial de cacao, moteur économique de l'Afrique de l'Ouest, en champ de bataille.
M. Gbagbo avait finalement été arrêté en avril 2011 dans le palais présidentiel après plusieurs jours de bombardements de la force française Licorne.
Selon Abel Naki, président du Cri panafricain et un des organisateurs du rassemblement, Laurent Gbagbo a été "kidnappé" et "déporté". "Cela nous rappelle les années d'esclavage, de colonisation. La vérité va éclater sur le mensonge!"
- Chasseurs Vs Lions -
Un écran géant avait également été installé sur une scène, d'où ont été prononcés des discours.
"Pour qui nous sommes là?", demande un rappeur. "Pour Gbagbo", répondent d'une voix les manifestants, avant de se mettre à danser.
Aucun membre du camp Ouattara n'a encore été inquiété par la CPI, ce qui lui vaut parfois d'être taxée de "justice des vainqueurs", mais le bureau du procureur a promis d'intensifier son travail d'enquête.
Les avocats d'un millier de victimes présumées et les ONG s'inquiètent d'ailleurs de "l'impunité" dont jouissent les partisans de l'actuel président ivoirien, réélu en octobre.
"Mon frère a été tué par les rebelles de Ouattara", assure Edwige, 20 ans, venue de Paris : "c'est lui le criminel, c'est lui qui devrait être jugé".
Enfournant une fourchette de poisson braisé aux pommes de terre, son amie Inès, rugit : "il ne peut pas inciter les gens à prendre les armes et ensuite devenir président!".
Lors de sa déclaration liminaire, le procureur a assuré "avoir obtenu de nombreuses preuves" contre les deux accusés. "Si la politique échouait, la violence était vue comme de la politique par d'autres moyens".
Ce qui n'a pas manqué de provoquer de nombreuses réactions chez la cinquantaine de partisans autorisés à assister aux audiences dans la galerie du public : haussements d'épaules, rires, sifflements légers.
Les déclarations du procureur, Mme Fatou Bensouda, sont "dangereuses", assure M. Naki : "c'est un discours de haine, truffé de mensonges qui ne repose sur rien d'autre que des éléments fournis par Ouattara", affirme-t-il.
Pour Eric, la version "mensongère" des faits de l'accusation est basée sur "l'histoire des chasseurs". "Quand elle n'est contée que par les chasseurs, les lions, ils ont toujours tort", assure-t-il.