Le chef du coup d'Etat avorté du 17 septembre au Burkina Faso, le général Diendéré a été inculpé de crime contre l'humanité par la justice militaire, qui n'exclut pas de poursuivre son ancien mentor, le président déchu Blaise Compaoré dans l'affaire Thomas Sankara.
A six semaines des élections présidentielle et législatives fixées le 29 novembre, la justice militaire multiplie les inculpations dans son enquête sur le coup d'Etat, allant même jusqu'à perquisitionner une résidence à Ouagadougou du président de l'Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro, ancien protégé de Blaise Compaoré.
Le directeur de la justice militaire du Burkina, le colonel Sita Sangaré, a fait le point vendredi sur tous les dossiers en cours, un peu moins d'un mois après le putsch raté du 17 septembre qui avait vu les hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) installer au pouvoir le général Gilbert Diendéré, ancien commandant de cette garde présidentielle et ex-bras droit de Blaise Compaoré.
Confronté à la mobilisation de la rue et à une grève générale largement suivie, Diendéré avait redonné le pouvoir une semaine plus tard aux autorités de transition mises en place en octobre 2014, lorsque Blaise Compaoré avait été chassé du pouvoir par une insurrection populaire après 27 ans de règne.
"Le général Diendéré est notamment poursuivi pour crime contre l'humanité", a annoncé vendredi à la presse le colonel Sangaré, précisant que le général faisait l'objet de "11 chefs d'inculpation" au total.
Selon le dernier bilan officiel du gouvernement, 14 personnes sont mortes et 271 ont été blessées lors du putsch et notamment de la répression des manifestants hostiles au coup d'Etat par les soldats du RSP.
- Perquisition chez Soro -
"Que des soldats ouvrent le feu sur une foule de manifestants non armés, dont des enfants, avec des armes automatiques, est un flagrant usage excessif de la force qui constitue un crime de droit international", avait estimé Amnesty International mercredi.
Au total, selon le procureur militaire, 23 personnes ont été inculpées dans l'enquête sur le putsch.
Parmi les inculpés figurent des militaires du RSP, officiers comme soldats de la troupe, et des civils dont Djibrill Bassolé, ex-ministre des Affaires étrangères dont la candidature à la présidentielle avait été invalidée, ou Léonce Koné, un haut responsable du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l'ancien parti de Compaoré.
M. Sangaré a annoncé vendredi que l'épouse du général Diendéré, Fatou Diendéré, une ancienne députée dont la candidature aux élections législatives a été rejetée par le Conseil constitutionnel, figurait parmi les personnes poursuivies.
Le colonel a aussi confirmé que le domicile ouagalais de Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire et ancien chef de la rébellion ivoirienne soutenue par Compaoré, avait été perquisitionné le 6 octobre dans le cadre de cette enquête sur le putsch.
M. Soro, qui est le deuxième personnage de l'Etat au regard de la constitution ivoirienne, n'avait pas été vu depuis au moins un an dans la résidence située dans le quartier Ouaga2000, près de la présidence, selon des sources concordantes.
En 2011, lors de la crise post-électorale qui avait suivi le refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire de son adversaire Alassane Ouattara, M. Soro s'était sans surprise rangé du côté de M. Ouattara, dont le gouvernement n'a pas condamné officiellement la tentative de coup d'État au Burkina mi-septembre.
Si l'enquête de la justice militaire burkinabè sur le putsch vise plusieurs caciques de l'ancien régime, l'ex-président Compaoré n'a à ce jour pas été inquiété dans ce dossier.
Mais, a révélé vendredi le colonel Sangaré, l'ancien président pourrait être rattrapé par un autre dossier, tout aussi emblématique: celui de l'assassinat en 1987 de l'ex-président Thomas Sankara.
"En l'état actuel, l'ancien président Blaise Compaoré n'est pas l'objet de poursuites (dans le dossier Sankara). Maintenant il n'est pas exclu que cela puisse arriver", a affirmé M. Sangaré.
L'assassinat de Sankara avait laissé Blaise Compaoré seul au pouvoir. Son régime a empêché la justice de travailler sur la mort de l'emblématique président et l'enquête sur sa mort n'a été ouverte qu'en 2015. Huit personnes sont inculpées dans ce dossier selon le colonel Sangaré qui a précisé: "le général Diendéré n'est pas encore poursuivi"