RD Congo : après sa condamnation par la CPI, le "Lion de l'Ituri" est jugé à Kinshasa

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Le procès pour crimes contre l'humanité de l'ancien chef de guerre congolais Germain Katanga, déjà condamné par la Cour pénale internationale (CPI), s'est ouvert mercredi devant la justice congolaise à Kinshasa, où la défense a demandé l'arrêt des poursuites contre son client.

L'ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW), qui avait appelé les autorités congolaises à poursuivre M. Katanga "pour des crimes de guerre autres que ceux pour lesquels il a été condamné par la CPI" et à lui garantir "un procès équitable et rapide" a estimé "insuffisant" le temps accordé à M. Katanga pour préparer sa défense.

Germain Katanga et ses cinq coaccusés sont poursuivis pour "crime de guerre, crime contre l'humanité et participation à un mouvement insurrectionnel" en Ituri, province du nord-est de la RDC frontalière de l'Ouganda et déchirée par une violente guerre civile entre 1999 et 2007.

L'audience devant la Haute Cour militaire de la RDC a duré près de trois heures. M. Katanga y est apparu en uniforme des Forces armées de la RDC (FARDC) portant ses épaulettes rouges de général de brigade, souriant et très détendu.

A l'audience, la défense a dénoncé une "détention arbitraire et illégale" de son client, et demandé à la plus haute juridiction militaire de la RDC de "se déclarer incompétente", estimant que la procédure était "irrégulière".

La Cour a constaté qu'aucune partie civile n'avait été constituée contre M. Katanga.

"C'est une déception, ça montre que les autorités ne sont pas encore prêtes pour l'ouverture de ce procès. Ils ont précipité l'action pour clouer Katanga pour qu'il ne rentre pas dans sa base", a déclaré à l'AFP Junior Safari de l'Association congolaise pour le respect des droits humains (ACRDH), ONG basée en Ituri.

L'audience a été renvoyée au 19 février, à la demande du procureur qui a sollicité davantage de temps pour s'imprégner du dossier, en particulier de pièces citées par la défense.

- neuf Casques bleus tués -

Surnommé Simba ("Lion" en swahili) pour sa férocité pendant la guerre en Ituri, M. Katanga était le commandant des Forces de résistance patriotiques en Ituri (FRPI), une des nombreuses milices constituées sur une base essentiellement ethnique qui se sont affrontées pour le contrôle de cette région riche en or.

Jusqu'à 60.000 personnes seraient mortes dans les violences ayant endeuillé ce territoire entre 1999 et 2007.

M. Katanga avait été promu général dans les FARDC fin 2004 en échange de la reddition de sa milice et avait été arrêté en 2005 avant d'être livré à la CPI en 2007.

Il a été condamné en 2014 à 12 ans de prison pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour avoir facilité et coordonné l'approvisionnement en armes de ses miliciens pour l'attaque d'un village ayant fait environ 200 morts en 2003.

Transféré à Kinshasa en décembre, M. Katanga, devait sortir de prison le 18 janvier, compte tenu de son temps passé derrière les barreaux en préventive et de la remise de peine que lui avait accordée en novembre la CPI, conformément à son règlement.

Mais les autorités congolaises avaient annoncé le même jour qu'il ne serait pas libéré et que des poursuites avaient été ouvertes contre lui, notamment à propos de son rôle présumé dans la mort de neuf Casques bleus bangladeshi tués en Ituri en 2005. Cette affaire n'a pas été mentionnée précisément à l'audience.

La RDC a été dévastée par deux guerres entre 1996 et 2003, et sa partie orientale reste ravagée par des conflits armés alimentés par des différends ethniques et fonciers, la concurrence pour le contrôle des ressources minières et des rivalités entre puissances régionales.

D'innombrables atrocités ont été commises durant ces années par toutes les parties en conflit, dont la quasi-totalité reste impunie.

Depuis 2014, les autorités ont néanmoins pris un certain nombre de mesures pour tenter de mettre fin à l'impunité régulièrement dénoncée par les Nations unies et les défenseurs des droits de l'Homme.

Plusieurs officiers supérieurs ou généraux ou anciens chefs rebelles ont ainsi été condamnés par la justice congolaise pour divers crimes de guerre.