Le procès devant la CPI de Laurent Gbagbo, l’ancien chef d’Etat ivoirien et de son acolyte Charles Blé Goudé tous deux accusés de « crimes contre l’humanité » a une nouvelle fois dominé la semaine de la justice transitionnelle. Les deux hommes ont rejeté les charges pesant contre eux, Blé Goudé se présentant comme un homme de paix, comparable à Martin Luther King. Plusieurs incidents ont marqué les audiences, les noms de quatre témoins à charge censés rester anonymes ont été ainsi révélés par inadvertance. Des couacs gênants pour une Cour toujours en manque de crédibilité.
Les audiences ont ainsi relancé le récurrent débat sur la Cour Pénale qui n’accuse et ne juge que des Africains, notamment au dernier sommet de l'Union Africaine. Factuellement juste, la Cour créée en 2002 a ouvert 9 enquêtes, huit contre des Africains et une tout récemment sur la Russie, cette critique cache aussi une belle hypocrisie de nombreux chefs d’Etat africains « à vie » en mal d’impunité et d’immunité. Comme le disait un éditorial du quotidien kenyan The Daily Nation, cité par Justiceinfo.net, « le clou du dernier sommet de l’Union Africaine a été une demande d’immunité pour les chefs d’Etat africains qui brutalisent leur peuple ».
Même ambiguité du côté du Président ivoirien actuel Alassane Ouattara qui promet désormais de ne plus envoyer l’un de ses concitoyens à la CPI où il a envoyé son prédécesseur.
La Côte d’Ivoire peut désormais juger ses fils, explique Ouattarra alors qu’aucun de ses partisans n’a été réellement poursuivi pour les violences électorales commises aussi dans son camp en 2010.
Quant à une Cour africaine dépendant de l’UA, elle n’aurait ni les moyens ni l’indépendance de la CPI.
Comme l’écrit Hamidou Anne dans le Monde : « L’argument du racisme de la CPI est un point marketing extrêmement lucratif en Afrique. Mais est-il du niveau des vies humaines avec lesquelles on s’amuse au quotidien sur le continent ? ».
Preuve que ces accusations contre la CPI cachent avant tout l’absence de véritables Etats de droit dans la quasi-totalité des pays d’Afrique.
Ainsi, la RDC a ouvert son premier procès pour génocide contre des bantous et des pygmées accusés de violences inter-communautaires. Ces massacres qui ont fait des dizaines de morts et des milliers de déplacés étaient passés sous les écrans radars des medias.
Mais, le procès s’enlise à Lubumbashi. Comme le décrit Habibou Bangré la correspondante de Justiceinfo.net en RDC, « Le procès de Lubumbashi s’est ouvert en août. Peu après, l’un des 11 suspects pygmées, arrivé à une audience squelettique et trop faible pour tenir debout a été hospitalisé, avant de décéder. Les débuts ont aussi été marqués par l’absence de juges et, par la suite, l’affaire a sans cesse été renvoyée pour cause de non-comparution des témoins. Dernier exemple en date avec l’audience du 11 janvier, reportée au 22 février ».
Toujours en République Démocratique du Congo, l’ancien milicien Germain Katanga tout juste retourné dans son pays après avoir été purgé sa peine prononcée par la CPI, s’est retrouvé derrière les barreaux et devant des juges congolais. Faisant dire à ses défenseurs qu’il s’agissait d’un procès politique.
Même en Tunisie, dernier modèle du printemps arabe, la transition est difficile, comme le montre l’utilisation arbitraire d’une loi répressive datant de l’ancien régime condamnée par la société civile et les ONG contre les jeunes consommateurs de cannabis.