L'ex-président tchadien Hissène Habré est "responsable des crimes" sous son régime (1982-1990) en tant que "planificateur" et "donneur d'ordres", ont affirmé mardi les avocats des parties civiles, à son procès pour "crimes contre l'humanité" devant un tribunal spécial africain à Dakar.
"M. Habré doit être tenu pénalement responsable des crimes parce qu'il (les) a planifiés. En droit international, si quelqu'un planifie un crime qui est commis, sont responsables celui qui a commis ce crime et celui qui l'a planifié", a affirmé l'avocat suisse Alain Werner, au second jour des plaidoiries des parties civiles.
"Qu'est ce que M. Habré a planifié ? Il a créé de toutes pièces la DDS (Direction de la documentation et de la sécurité, police politique, NDLR) pour neutraliser et détruire ses ennemis", a ajouté Me Werner, citant la jurisprudence de l'ex-chef d'Etat libérien Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL).
"Reconnu coupable d'avoir planifié l'attaque rebelle contre Freetown le 6 janvier 1999", M. Taylor, condamné en 2012, purge au Royaume-Uni une peine de 50 ans de prison pour crimes contre l'humanité. Il était accusé d'avoir collaboré avec la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF) durant la guerre civile dans ce pays voisin du Liberia, qui a duré de 1991 à 2002.
En outre, pour Me Werner, "Habré a donné des ordres criminels qui ont abouti directement à des crimes (et) doit aussi être reconnu coupable d'avoir donné (ces) ordres".
En détention depuis juin 2013 au Sénégal, où il a trouvé refuge en décembre 1990 après avoir été renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno, Hissène Habré est poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture".
Il comparaît devant les Chambres africaines extraordinaires, une juridiction créée en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA), qu'il récuse et devant laquelle il refuse de s'exprimer et de se défendre depuis l'ouverture du procès le 20 juillet 2015.
Après les plaidoiries des 15 avocats des parties civiles, le Parquet général doit prononcer son réquisitoire mercredi, puis suivront jeudi et vendredi les plaidoiries des trois avocats de la défense commis d'office. Les audiences seront ensuite suspendues pour le délibéré, avec un "prononcé du verdict vers fin mai", selon le porte-parole des CAE, Marcel Mendy.
La répression sous Hissène Habré a fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne. Il encourt jusqu'aux travaux forcés à perpétuité.