Les juges de la Cour pénale internationale ont ordonné au Fonds au profit des victimes de revoir sa copie. Désigné par la Cour pour établir un plan de réparation en faveur des victimes de Thomas Lubanga, le milicien congolais reconnu coupable de crimes de guerre, le Fonds n’a proposé ni liste de bénéficiaires, ni évaluation financière et est resté très flou sur les programmes qu’il préconise.
Quelles sont les victimes directes et indirectes de Thomas Lubanga ? Combien sont-elles ? Quels préjudices ont elles subis ? Quel type de réparations faut-il mettre en place ? Pour quel montant ? Et quelle sera la participation du condamné ? A ces questions, et malgré au moins sept mois de recherches, le Fonds au profit des victimes n’a pas répondu. Le 9 février, les juges lui ont donc demandé de revoir sa copie, lui donnant jusqu’au 31 décembre 2016. Pourtant, il y a près de quatre ans, l’ancien chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) était reconnu coupable de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes et les avoir fait participer aux hostilités en 2002 et 2003. En juillet 2012, il était condamné à 14 ans de prison. Dans la foulée, les juges ordonnaient l’ouverture de la procédure en réparations, mais les représentants des victimes et les avocats de Thomas Lubanga faisaient appel. Il a alors fallu attendre mars 2015 avant que la chambre d’appel ne dresse les grandes lignes du futur programme de réparations et demande au Fonds au profit des victimes de la Cour de présenter un plan. Le 3 novembre 2015, c’est par un long document de 172 pages, que répond le Fonds. Il passe en revue les nombreuses consultations ayant présidé à sa rédaction : une réunion d’experts à Belfast en Irlande du Nord, d’autres avec des responsables du greffe et des représentants des victimes et des rencontres avec 1340 personnes lors d’une visite en Ituri. Mais il en résulte un document très académique, qui ne répond pas aux questions des juges.
Aucune victime identifiée
« Le Fonds n’a identifié aucune victime potentielle », écrivent les juges dans leur ordonnance du 9 février. Ils donnent au Fonds jusqu’au 31 décembre pour en établir la liste. Mais pourra-t-il s’en acquitter ? Dans son rapport, le Fonds explique vouloir faire « la cartographie » des victimes, mais sans y être jusque-là parvenu. Le directeur, Pieter de Baan, reconnait pourtant que depuis les crimes de 2002/2003, le temps a « une incidence considérable » sur l’attribution de réparations, précisant que « pendant cette période, le temps ne s’est pas figé pour les victimes (…) et les atteintes physiques, psychologiques et matérielles ont pu s’amplifier car elles n’ont pas été prises en charge ». Faute de pouvoir établir la liste des victimes, le Fonds n’a pu évaluer le montant des réparations dont devra s’acquitter Thomas Lubanga et devra donc le faire le 31 décembre prochain.
Des programmes de réparation mal finalisés
Sur la nature même des réparations, les juges regrettent que « le Fonds ne présente qu’une description sommaire des programmes », et n’évoque ni leur développement, ni leur calendrier, ni leur gestion. Le rapport suggère des programmes de formation et d’alphabétisation pour réinsérer les anciens enfants soldats dans la société, pour favoriser « la résolution des différends et conflits entre les victimes, leurs familles et leurs communauté », et des programmes de soutien et de « traitements psychologiques ciblés, ayant pour objectif de renforcer les liens communautaires et promouvoir la guérison et l’acceptation ». Le rapport ne précise pas qui seront les intermédiaires qui seront, sur le terrain, chargés de mettre en œuvre ces programme, ni les modalités des futurs appels d’offres. Mais une chose est certaine : les victimes de Thomas Lubanga ne pourront pas obtenir réparations avant au moins 2017.