Dix ans après l'assassinat de l'éminent défenseur des droits de l'homme congolais Pascal Kabungulu, sa famille saisit les Nations unies avec le soutien de l'ONG suisse TRIAL et du Centre canadien pour la justice internationale.
« La plainte devant le Comité des droits de l'homme des Nations unies intervient après d'infatigables efforts de la famille et de groupes de défense des droits humains pour relancer les procédures judiciaires en République démocratique du Congo (RDC), au point mort depuis trop longtemps », explique l'ONG Track Impunity Always (TRIAL).
Le 31 juillet 2005, des hommes armés en uniforme militaire ont tué Pascal Kabungulu sous les yeux de sa famille. Le défenseur avait déjà fait l'objet de plusieurs menaces en raison de son travail sur les droits humains au sein de l'organisation Héritiers de la Justice à Bukavu, dans le Sud-Kivu, une province de l'est de la RDC.
Quelques jours à peine après l'assassinat, l'épouse de Pascal Kabungulu, Déborah Kitumaini, a également été menacée et contrainte de fuir le pays avec leurs six enfants. La veuve a finalement trouvé refuge au Canada, où elle dirige maintenant la Fondation Pascal Kabungulu, qui soutient les familles de défenseurs des droits humains abattus en RDC.
En dépit de l'ouverture d'une procédure judiciaire en 2005, « les poursuites ont été interrompues lorsque des témoins ont mis en cause certains hauts dignitaires de la région », déplore TRIAL. « Malgré le transfert de l'affaire devant les plus hautes instances en RDC, tous les efforts de la famille et des ONG pour convaincre les autorités de rouvrir un procès sont jusqu'à présent restés vains », souligne l'ONG suisse.
« La famille de Pascal a beaucoup souffert et mérite que justice soit enfin faite », affirme Philip Grant, directeur de TRIAL, exhortant les Nations unies à « tout faire pour éviter que davantage de crimes ne soient commis à l'encontre » des défenseurs des droits de l'homme en RDC.
Pascal Kabungulu a été assassiné dans un contexte d'affrontements violents entre les forces de sécurité et plusieurs groupes armés dans l'est de la RDC. Beaucoup de violations des droits de l'homme ont été commises lors de ce conflit. « Entre 2005 et 2008, au moins une douzaine de journalistes et militants des droits de l'homme ont été tués », relève la conseillère juridique de TRIAL, Elsa Taquet, dans un entretien avec JusticeInfo.Net. « L'assassinat de Pascal Kabungulu est un cas symbolique mais il est loin d'être le seul visant un défenseur des droits de l'homme en RDC. Nous pensons notamment à l'assassinat de Floribert Chebeya, tout aussi symbolique », souligne-t-elle.
Elle espère que le Comité des droits de l'homme des Nations unies pourra , en tant que solution de dernier recours, recommander aux autorités congolaises, non seulement de rouvrir les enquêtes et juger les responsables présumés de l'assassinat, mais aussi d'accorder une réparation à la famille de Kabungulu.
« Notre famille espère vraiment que les Nations unies nous rendront justice, renchérit Henri, le fils de Pascal Kabungulu. La RDC sera ainsi incitée à rouvrir l'enquête et à punir les auteurs : il est temps que cesse l'impunité. »