Le président sortant Alassane Ouattara, grand favori de la présidentielle du 25 octobre en Côte d'Ivoire, vise une victoire dès le premier tour lors d'un scrutin décrié par l'opposition et qui peine à mobiliser les électeurs.
Des photos de contractuels dormant dans les établissements où les 6,3 millions d'inscrits sur les listes doivent retirer leur carte d'électeurs pour voter dimanche ont fait le tour des réseaux sociaux.
La commission électorale indépendante (CEI) a d'ailleurs prorogé de trois jours, jusqu'à mercredi, la date limite de retrait des cartes. La plupart des observateurs s'attendent à une participation faible.
"On ne se bouscule pas pour retirer les cartes", a regretté le candidat et député Kouadio Konan Bertin qui dénonce ce qu'il estime être une "mainmise" du pouvoir sur l'organisation du scrutin.
Pourtant, une élection apaisée et crédible est jugée fondamentale pour tourner définitivement la page des violences meurtrières qui ont suivi la victoire en 2010 d'Alassane Ouattara sur son prédécesseur Laurent Gbagbo dans ce pays premier producteur mondial de cacao et poids-lourd économique de la sous-région.
"Pour le quinquennat à venir nous allons renforcer nos institutions afin de consolider la paix et le vivre-ensemble", a promis Alassane Dramane Ouattara, dit ADO lors de la campagne.
Son camp vise une victoire dès le premier tour. "Un coup KO", espèrent ses partisans. Dans l'entourage présidentiel, on semble craindre plus l'abstention que les adversaires, au nombre de sept.
A la tête d'une coalition comprenant son parti, le Rassemblement des Républicains (RDR), mais aussi le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) créé par le "père fondateur" du pays Félix Houphouet-Boigny, ADO s'appuie sur une impressionnante machine de campagne électorale et un bon bilan économique. Il ne cesse de vanter les réalisations de son mandat dont la construction achevée du troisième pont sur la lagune d'Abidjan est le symbole.
"Notre adversaire s'appelle le taux d'abstention", assure Alphonse Soro, député et responsable de la jeunesse du RDR. "Comment convaincre les gens de voter, c'est ça la problématique".
M. Ouattara doit remporter le scrutin "avec un nombre important d'électeurs, c'est de là que va dériver la légitimité du président qui doit être incontestable", souligne le ministre de la Fonction publique Cissé Ibrahim Bacongo, également son biographe.
- 'Arrestations d'opposants' -
"Ce slogan (un coup K.O) donne raison aux adversaires qui dénoncent un scrutin saboté par la CEI (Commission électorale indépendante), une institution jugée favorable au président-candidat", explique Charles Roger Amichia, un universitaire.
Deux candidats, l'ancien ministre des Affaires étrangères Amara Essy et l'ex-président de l'Assemblée nationale Mamadou Koulibaly se sont retirés de la course pour "ne pas se rendre complice d'une mascarade électorale", selon M. Essy.
Si le pouvoir et des observateurs ont ironisé sur ce boycott l'attribuant à la peur "de prendre une veste", il n'en reste pas moins qu'Amnesty International a par exemple appelé la Côte d'Ivoire à "mettre fin aux arrestations arbitraires d'opposants (...) à l'approche de la présidentielle".
"Les récurrentes arrestations et détentions arbitraires d'opposants politiques créent un climat de peur qui compromet l'exercice de la liberté d'expression" selon Amnesty.
Les adversaires de Ouattara exigent la "dissolution" de la CEI qu'ils considèrent favorable au président-candidat, et accusent les médias d'Etat d'être au service du président.
Le principal challenger de Ouattara devrait être Pascal Affi N'Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), fondé par Laurent Gbagbo. Ce scrutin est très important pour lui alors qu'une partie du FPI boycotte le scrutin au nom de la fidélité à Gbagbo.
L'ombre de l'ex-président, qui attend son jugement par la Cour pénale internationale (CPI) dans une cellule à La Haye, plane sur cette élection. En 2010, son refus de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara avait plongé la Côte d'Ivoire dans cinq semaines de violences qui s'étaient soldées par la mort de 3.000 personnes, épilogue sanglant d'une décennie de crise politico-militaire.
Pour éviter les contestations, Un dispositif d'"authentification biométrique de chaque électeur" sera déployé pour le scrutin dont les résultats seront collectés et transmis par voie électronique des bureaux de vote à la commission électorale à Abidjan afin de parer aux critiques de bourrages d'urnes et de fraudes.
Quelque 34.000 soldats, dont 6000 Casques bleus, assureront la sécurité à travers le pays et une campagne d'affichage demande aux 23 millions d'Ivoiriens de respecter le résultat issu des urnes.
Le souvenir de la meurtrière crise post-électorale 2010-2011 a émoussé les ardeurs des uns et des autres. La peur de violences est toujours vivace, et comme le souligne Abdoulaye Kamagate, un habitant d'un quartier populaire d'Abidjan: "Nous, avant tout, ce qu'on veut c'est la paix".