La faim, l'autre ennemi des civils du Soudan du Sud en guerre

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La paix n'existe que sur le papier au Soudan du Sud et après plus de deux ans de guerre civile, les violences continuent sans répit. Mais dans la lutte pour leur survie, les civils sont confrontés à un autre ennemi encore plus insidieux : la faim.

Écrasé par le soleil, avec ses huttes aux murs de boue séchée et aux toits de chaume, Pieri est un village ordinaire de l'État oriental du Jonglei, un des principaux champs de bataille du conflit déclenché en décembre 2013.

La région est tenue par la rébellion, opposée au gouvernement du président Salva Kiir. La population y meurt de faim, les différentes factions empêchant l'aide alimentaire d'arriver dans ces zones.

Il y a quelques jours, l'ONU a décidé de passer outre cette interdiction et envoyé plusieurs de ces camions au-delà de la ligne de front pour rejoindre cet avant-poste isolé.

"Il y a beaucoup de personnes qui meurent de faim ici", raconte Nyagai Mabil Wor, 43 ans, une mère de six enfants qui attend de recevoir des rations de sorgho.

Son mari a été tué dans les combats qui ont jalonné une guerre civile marquée par les pires atrocités et accusations de crimes de guerre. "Ils sont venus tuer nos enfants, les femmes et les hommes", dit-elle simplement.

Au début du mois, les Nations unies avaient averti que plus de 2,8 millions de personnes, soit un quart de la population du pays, avaient un "besoin urgent d'aide alimentaire" et que 40.000 étaient "au seuil d'une catastrophe".

- 'On mange les feuilles des arbres' -

Les experts onusiens avaient estimé que la situation était la pire que le pays ait connu en deux ans et avaient enjoint les belligérants de leur garantir un accès aux zones les plus menacées par la famine.

"On arrache les feuilles des arbres et on les mange, et on mange aussi les graines, parce que c'est tout ce qu'il y a à manger", explique Marina Nyandoa, 30 ans, mère de sept enfants affamés.

L'aide arrive au compte-gouttes et le défi est colossal pour les humanitaires. "Les besoins sont énormes, les gens n'ont pas assez de nourriture. Ils ont besoin de recevoir de la nourriture bien plus régulièrement d'ici leur prochaine récolte", estime Joyce Luma, la responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) pour le Soudan du Sud.

Pour la première fois depuis des mois, les camions du PAM ont été autorisés à traverser la ligne de front pour aller au secours des civils en zone rebelle.

Un "convoi test" de 11 camions a transporté 1.000 tonnes de céréales : à peine de quoi couvrir les besoins initiaux, mais assez pour laisser espérer d'autres convois.

"Nous espérons que le prochain convoi de camions permettra de couvrir beaucoup plus de gens", a ajouté Mme Luma.

Le Soudan du Sud est devenu indépendant en juillet 2011, après des décennies de conflit avec Khartoum. La guerre civile a éclaté en décembre 2013 à Juba, lorsque le président Kiir a accusé son vice-président, Riek Machar, de fomenter un coup d'État.

- 'La rhétorique de réconciliation' -

Plus de 2,3 millions de personnes ont été chassées de chez elles et des dizaines de milliers tuées par la guerre et les atrocités à grande échelle qui l'accompagnent, dont les deux camps se sont rendus coupables.

Mi-février, le président Kiir a réinstallé Riek Machar, devenu le chef de la rébellion, comme vice-président, dans le cadre d'un accord de paix signé en août 2015.

Mais ce dernier ne s'est pas encore rendu à Juba pour prendre ses fonctions, et les combats se poursuivent entre l'armée régulière et différents groupes rebelles, mus par des intérêts locaux et qui ne se sentent pas soumis aux accords écrits.

"La rhétorique de réconciliation du gouvernement et de l'opposition a détourné l'attention du fait que les parties prenantes au conflit continuent d'attaquer, de tuer, d'enlever, de violer, de détenir arbitrairement, de déplacer de force des civils, et de piller et détruire leurs biens", a déclaré la semaine passée le secrétaire général adjoint chargé des droits de l'Homme, Ivan Simonovic, devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

Mais pour les gens affamés, épuisés et terrorisés, qui sont encore retenus dans les zones de guerre, comme ici dans l'État du Jonglei, l'accord de paix reste l'unique espoir.

"Nous voulons la paix", prie Gabriel Makur, un responsable du comté local. "C'est notre cri de détresse, c'est le seul moyen que nous ayons de survivre."