Cette semaine a montré les limites de la justice transitionnelle de la Tunisie au Népal, du Togo à l’Afrique du Sud. Ainsi, plusieurs ONG dont Trial et Redress ont lancé une campagne pour que justice soit rendue au Népal. La guerre entre le pouvoir et les rebelles maoïstes aujourd’hui au pouvoir a fait des milliers de morts, des centaines de Népalais ont disparu, des milliers ont été victimes d’emprisonnements abusifs, de viols et de tortures. Dix ans après la fin du conflit, malgré les engagements du gouvernement, malgré les demandes de l’ONU et de la communauté internationale, rien n’a été fait en termes de justice transitionnelle. Ni procès, ni travail de mémoire, ni réparations. Les présumés coupables sont désormais au pouvoir que ce soit dans la police, dans l’armée ou au gouvernement ; personne dans l’appareil d’Etat ne veut que justice se fasse. C’est pourquoi Trial et d’autres ONG ont lancé cette campagne et créé un site où la mémoire des victimes est préservée à la manière de ce qui a été fait au Liban et exposé sur Justiceinfo.net la semaine dernière. Ram Bhandari, collaborateur régulier à notre site, et dont le père fait partie de ses disparus explique le sens de son combat. Preuve que la société civile subroge les Etats et les gouvernements.
Autres limites de la justice transitionnelle en Tunisie. Où les agissements et crimes de l’ancienne police politique demeurent des secrets bien gardés. Olfa Belhassine, la correspondante de Justiceinfo.net en Tunisie écrit : « Aujourd’hui, l’accès aux archives de la police politique fait partie des difficultés auxquelles fait face l’Instance vérité et dignité (IVD) pour recouper les témoignages des victimes recueillis à travers les 2 713 audiences privées réalisées par l’instance jusqu'à ce jour.
« Les archives de la police politique sont éparpillées sur les multiples services qui constituaient ce corps spécial. Nous considérons que la justice transitionnelle ne peut réussir sans l’ouverture de ces documents qui ne font pas honneur à la deuxième République ! », réplique Sihem Ben Sedrine, présidente de la commission vérité.
Au Togo aussi, pays oublié, la justice transitionnelle parait condamnée. Le pays est dominé depuis son indépendance par une dynastie les Gnassingbé qui malgré les promesses du Président héritier n’a pas réglé ses comptes avec un passé dictatorial fait d’abus et de violences qui perdurent. Une commission Justice et Vérité a été établie mais ses travaux et conclusions n’ont jamais été publiés.
« La vérité est l'acte fondateur initial de la réconciliation d'un peuple profondément traumatisé et divisé par une longue dictature ainsi que par l'ampleur et la gravité de la violence politique de l'Etat. Le principe de vérité doit se traduire par la mise en lumière complète et objective des actes de violations des droits de l'Homme, de la nature et des
circonstances de ces actes, des listes des victimes, des disparitions, de l'évaluation des biens et des propriétés détruits et de la détermination des responsabilités », affirmaient les rapporteurs de l'ONU sur le Togo cités par le correspondant de Justiceinfo.net dans ce pays, Maxime Domegni qui explique : “La Commission Justice et Vérité n'aura donc pas permis aux Togolais d'en savoir plus aujourd'hui qu'hier sur les auteurs et commanditaires des crimes répertoriés”.
Cette semaine a aussi vu le début du procès en Afrique du Sud qui pourtant fait figure de modèle en matière de justice transitionnelle de policiers accusés d’avoir torturé et tué une jeune militante anti-apartheid. Nokuthula Simelane disparue en 1983.
Le corps de Nokuthula, jolie Sud-Africaine de 23 ans, n'a jamais été retrouvé. Sa mère, qui avait longtemps pensé qu'elle vivait dans la clandestinité, n'a appris qu'en 1995, après la chute du régime d'apartheid, qu'elle avait été enlevée et assassinée par des policiers. "Dans notre société, on insiste beaucoup sur la réconciliation et trop peu sur la vérité", estime Janet Love, de la Commission sud-africaine des droits de l'Homme. "Tant que notre pays n'aura pas assumé la responsabilité des crimes contre l'humanité qui ont été perpétrés, l'apartheid continuera", prévient-elle.
Exception à ces manquements : le Guatemala, où un tribunal a condamné à 120 et 240 années de prison deux anciens soldats pour avoir contraint 15 femmes indigènes à de l’esclavage sexuel durant la guerre civile . Les accusés sont coupables de “crimes contre l’humanité”, a affirmé le juge Yassmin Barrios.