L'ancien président de la commission d'enquête de l'ONU sur les droits de l'Homme en Corée du Nord a préconisé vendredi la nomination d'experts pour étudier comment la justice pourrait se saisir des crimes contre l'humanité commis dans ce pays.
"Que faites-vous si vous ramenez des preuves fortes de crimes contre l'humanité et qu'un des cinq membres permanents (du Conseil de sécurité) vous empêche d'aller plus loin?" en opposant son veto, a interrogé Michael Kirby lors d'une conférence organisée à Londres sur la situation des droits de l'Homme dans le régime de Pyongyang.
Créer un comité d'experts, a-t-il dit, serait "une bonne étape, parce que cela permettrait de maintenir l'attention" sur le sujet.
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Zeid Ra'ad al-Hussein avait estimé début décembre "essentiel" de saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes contre l'humanité commis en Corée du Nord. Mais si le Conseil de sécurité a l'autorité pour saisir la CPI, des diplomates estiment que la Chine, dernier soutien de Pyongyang, mettra immédiatement son veto à toute initiative en ce sens.
A Londres, M. Kirby a souligné qu'il était essentiel pour la communauté internationale de garder Pékin dans la boucle sur le sujet: la Chine "aime discuter et il y a là un espoir", a-t-il dit.
Le rapport de la commission d'enquête présidée par le magistrat australien, rendu public en février 2014, avait conclu à des violations des droits de l'Homme par la Corée du Nord "sans égal dans le monde contemporain".
Si beaucoup reste à faire, il y a eu depuis "des développements positifs", a estimé M. Kirby, citant notamment "la mise en place d'un bureau onusien à Séoul pour continuer à rassembler les témoignages" de victimes du régime nord-coréen.
"Nous ne pouvons rester silencieux pendant que les droits de l'Homme continuent d'être violés", a déclaré de son côté Deuk-Hwan Kim, un responsable de l'ambassade sud-coréenne à Londres, appelant à la pleine mise en oeuvre de la résolution du 2 mars imposant une nouvelle série de sanctions contre la Corée du Nord après les derniers essais nucléaire et balistique menés par le régime communiste.
"La seule manière de changer le comportement de ce régime implacable, c'est que la communauté internationale parle d'une seule et même voix", a-t-il insisté.
La conférence, coorganisée par l'Alliance européenne pour les droits de l'Homme en Corée du Nord, a été également l'occasion d'entendre le témoignage d'un réfugié nord-coréen, Kim Hyeong-soo, ayant fui son pays en 2009.
Ce biophysicien de 52 ans travaillait à l'institut "Mansumugang", chargé d'apporter "bonne santé" et "longévité" aux dirigeants nord-coréens. Un endroit, a-t-il expliqué, ultra sécurisé, gardé en permanence par des hommes armés, protégés par des clôtures électriques, et où la nature des recherches réserve quelques surprises.
"Il est notoire que Kim Jong-Il (au pouvoir de 1994 à sa mort en 2011, ndlr) aimait boire et fumer. En fait, il aimait particulièrement la marque de cigarette britannique Rothmans. Mais comme il ne pouvait pas en obtenir, une équipe a fait importer du tabac d'Afrique pour pouvoir fabriquer des cigarettes qui avaient le même goût", a-t-il dit.